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Ecouter Mario Lanza

Leoncavallo : VESTI LA GIUBBA
Dicitencello Vuie
Verdi: OTELLO "Dio mi potevi"
Na sera e maggio
Serenade de Romberg
Leoncavallo: LA BOHEME
Giordano: ANDREA CHENIER














Hommage du Centenaire

janvier 18th, 2021 par Alain Fauquier


MARIO LANZA and friends

Pour les mélomanes du monde entier, l’année 1921 fut à la fois tragique, avec la mort d’Enrico Caruso, et bénie des Dieux avec la naissance simultanée de trois futurs très grands ténors: Mario Lanza, Franco Corelli et Giuseppe Di Stefano.

C’était il y a 100 ans, le 2 août 1921, le monde entier apprenait stupéfait la disparition soudaine de l’une des personnalités du chant les plus populaires et les plus hautes en couleurs de son temps, le ténor Enrico Caruso.

La mort de Caruso, le ténor des ténors, la voix magique du siècle, l’incarnation du chant par excellence, star légendaire de son vivant, venait de survenir à Naples, sa ville natale, à seulement 48 ans, des suites d’une pleurésie.

Ce triste et tragique événement plongeait dans la douleur et le désarroi des milliers d’admirateurs autour de la planète qu’il sillonna pendant 20 ans.

Ce grand artiste, synonyme de perfection, demeurera longtemps vivant dans la mémoire et le cœur d’une foule de mélomanes.

Grace à ses nombreux enregistrements (« Caruso a fait le disque, le disque a fait Caruso », disait-on), les amateurs d’opéra peuvent toujours apprécier la qualité exceptionnelle de la voix de Caruso, et imaginer les rappels enthousiastes qu’il suscitait à chacune de ses apparitions sur une scène d’opéra.

On écoute Caruso chanter « Vesti la giubba », l’air célèbre de Paillasse de Leoncavallo, qui fut le plus célèbre de ses rôles. Un enregistrement réalisé à New York le 17 mars 1907.

Mais en cette année 1921, pendant que le monde entier pleurait la mort de Caruso, la naissance de trois enfants, l’un en Amérique, et les deux autres en Italie, allait passer totalement inaperçue.

Pourtant, une génération plus tard, ces trois garçons, allaient émerger, avec un spectaculaire éclat, dans le Monde de l’opéra et se hisser au firmament des plus grands ténors du XXème siècle.

Le 31 janvier 1921, naissait à Philadelphie, dans une famille modeste d’immigrés italiens, Alfred, Arnold Cocozza qui deviendra le futur Mario Lanza. Cette naissance fut suivie le 8 avril par celle de Franco Corelli à Ancône, et le 24 juillet par celle de Giuseppe Di Stefano à Motta Sant’Anastasia en Sicile.

Tous les trois vont devenir très célèbres, mais leurs parcours et leurs destins seront bien différents.

Né le premier, Mario Lanza sera aussi le plus précoce et le plus naturellement doué.

Qualifié de « Voix du siècle » par le chef Arturo Toscanini, après que son célèbre découvreur, le maestro Serge Koussevitzky, directeur du philharmonique de Boston, qui l’auditionna au printemps 1942, eût déclaré : « Ce garçon a une voix de celles que l’on entend qu’une fois par siècle ! C’est Caruso ressuscité ! ».

Koussevitzky le fera débuter sous le pseudonyme de Mario Lanza,  dans le rôle de Fenton des Joyeuses Commères de Windsor d’Otto Nicolaï, au festival d’été de Tanglewood le 7 Août 1942.

Boris Goldovsky, chef des chœurs du Metropolitan Opera, qui conduisait l’orchestre lors de cette représentation, devait déclarer stupéfait : « La voix qui sortait de cette gorge était éblouissante, inoubliable ! Elle semblait provenir d’un autre monde ! Je ne pouvais pas en croire mes oreilles»

Mario Lanza sera le premier chanteur de musique classique et populaire à remporter des trophées et à vendre des disques par millions.

Détourné à 26 ans des scènes d’opéra par la Metro-Goldwyn-Mayer, à l’issue d’un concert triomphal au Hollywood Bowl de Los Angeles, Mario Lanza a, plus que tout autre chanteur, avant ou après lui, contribué, avec ses films, à faire découvrir, avec un exceptionnel brio, l’opéra au grand public.

On écoute l’une de ses premières chansons à succès qui deviendra sa signature : « Be My Love », composée en 1950 par Nicholas Brodszky sur des paroles de Sammy Cahn,  un des plus grands paroliers des États-Unis et le parolier de Frank Sinatra.

Né le second, Franco Corelli, mettra plus de temps à percer et à faire parler de lui.

Contrairement à Mario Lanza, la voix de Franco Corelli n’est pas placée de naissance, et il lui faudra six ans de travail acharné pour parvenir à la positionner idéalement.

Il lui faudra trois ans de plus pour pouvoir atteindre le contre-ut.

Inspiré, comme Mario Lanza et Giuseppe Di Stefano, par Caruso et Gigli, Franco Corelli avait chanté dans sa jeunesse en tant qu’amateur, mais il n’avait jamais envisagé de réaliser une carrière de chanteur professionnel.

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur agronome obtenu à l’Université de Bologne, il travaille comme géomètre pour l’administration locale.

Fortement encouragé par ses amis, il finit par se décider à entreprendre des études de chant au conservatoire de Pesaro.

Mais, après quelques mois il estime que les résultats ne sont pas ceux qu’il espérait et il préférera travailler en autodidacte avec les conseils du fameux ténor Giacomo Lauri-Volpi.

Ce long travail de préparation explique ses débuts tardifs.

Franco Corelli a en effet 30 ans en 1951 lorsqu’il remporte le concours du Mai musical de Florence et fait ses débuts, le 26 Août 1951, au festival de musique de Spoleto où il interprète, avec un immense succès, le rôle de Don José dans Carmen.

Pour les amateurs d’opéra des années 1950-1960, qui ont eu la chance de le voir sur scène, Franco Corelli, fut à bien des égards, l’incarnation du ténor idéal, aussi beau à voir qu’à entendre.

Doté d’un physique de jeune premier, d’un souffle souverain et d’une voix chaleureuse, ample, riche et profondément poignante, Franco Corelli va devenir l’idole des scènes d’opéra.

Herbert von Karajan qui le dirigea à Salzbourg lors d’une représentation mémorable du Trouvère en 1961, avec Leontyne Price et Giulietta Simionato, dira de Franco Corelli, qu’il avait « une voix héroïque, sombrement sensuelle et mystérieusement mélancolique, mais une voix de tonnerre et d’éclairs, de feu et de sang ! »

Malheureusement, Corelli sera rongé toute sa vie par le doute et l’anxiété. Son manque d’assurance fera de lui une figure tragique de l’opéra.

Il sera en permanence insatisfait et il s’imposera une discipline quasi monacale. Son perfectionnisme sera obsessionnel et il mènera une carrière des plus austères, marquée par l’autocritique.

Contrairement à Lanza, on ne ressent pas chez Corelli la joie, la passion et le plaisir de chanter.

Du troisième acte de Werther de Jules Massenet, on écoute par Corelli « Ah ! no mi ridestar » (Pourquoi me réveiller !). L’orchestre symphonique de la RAI est dirigé par Arturo Basile (1954).

Dernier né des trois ténors, Giuseppe Di Stefano, surnommé « Pippo » par ses intimes, sera plus précoce que Franco Corelli.

Giuseppe Di Stefano fait ses débuts à 25 ans, le 20 avril 1946, au Théâtre Municipal de Reggio d’Émilie dans le rôle de Des Grieux de Manon de Jules Massenet.

Le succès est immédiat et il part aussitôt chanter dans toute l’Italie.

A tous égards, Di Stefano est considéré comme le meilleur ténor lyrique depuis le grand Fernando De Lucia.

Sa voix est d’une rare pureté et la beauté de son timbre est unique. A l’égal de Mario Lanza, sa diction est excellente, ce qui n’est malheureusement pas le cas de celle de Corelli qui souffre d’une prononciation molle et pâteuse, très désagréable à l’écoute de ses disques. Un défaut toutefois un peu moins gênant à la scène.

A la passion et au charme typiquement sicilien de Di Stefano, s’ajoute, comme pour Corelli, une grande présence scénique.

Avec autant d’atouts il n’est pas surprenant que la notoriété de Di Stefano arrive rapidement aux oreilles du directeur de la Scala qui l’engage, sans même l’auditionner, dans sa troupe milanaise où il débute en mars 1947.

Dans la foulée il est contacté par le Metropolitan opera de New York où il fait ses débuts dans le rôle du Duc de Mantoue de Rigoletto en février 1948.

En l’espace de deux ans, Di Stefano va se produire sur quelques unes des scènes les plus prestigieuses du monde.

Les cinq années suivantes son talent sera acclamé dans le monde entier. Son timbre chaleureux et sa technique sans faille le classent d’emblée au dessus de ses pairs les plus doués.

On écoute par Di Stefano la célèbre chanson de Ruggero Leoncavallo : « Mattinata »  (L’aurora di bianco vestita…).

En Amérique, au lendemain du festival de Tanglewood, le critique musical Noel Strauss écrit dans le New York Times : « Peu nombreux sont les ténors actuels capables de rivaliser avec le jeune et très talentueux Mario Lanza, 21 ans.

Sa voix naturelle splendide a peu d’équivalent, en termes de beauté, de chaleur et de puissance. Sa diction est parfaite. »

Le 5 octobre 1942, Herbert Graf, auteur d’ouvrages sur l’opéra, écrit dans Opera News : « L’artiste de la saison fut incontestablement Mario Lanza qui pourrait, sans aucune difficulté, rejoindre le Metropolitan Opera ».

Mais, les Etats-Unis sont en guerre contre le Japon depuis 1941 et l’armée est prioritaire. Le jeune Mario Lanza est incorporé dans la base militaire de Marfa au Texas.

Affecté au Théâtre aux Armées, il va déployer ses talents dans des spectacles conçus à la gloire de l’Armée de l’air, comme « On the Beam » (Sous les feux de la rampe ») où il chantera pour les soldats de nombreux airs d’opéra et il sera surnommé le « Caruso de l’US Air Force ».

Avec beaucoup d’humour et de drôlerie il jouera dans des sketches où il manifestera des talents innés de comique et d’imitateur.

Il chantera aussi pendant six mois à Broadway dans les chœurs de l’important groupe musical « Winged Victory » (Les Ailes de la Victoire) créé et dirigé par Moss Hart qui sera l’auteur de nombreux scénarios de films dont celui de « Une étoile est née » de George Cukor en 1954.

Le 22 Mai 1944, le jeune ténor, alors âgé de 23 ans, enregistre à New York, dans les studios Melotone, six arias avec au piano Maria Margelli, accompagnatrice de la grande basse italienne Ezio Pinza.

Maria Margelli dira: « J’ai entendu toutes les plus grandes voix. Mais le jour où j’ai entendu Mario Lanza, je sus que j’avais entendu la plus grande de toutes ! »

En Juin 1944, à l’occasion d’un passage à Hollywood avec les chanteurs du chœur de Winged Victory, des artistes en vue allaient commencer à parler de lui après l’avoir entendu fortuitement.

Lors d’une réception organisée chez Frank Sinatra, il chantera durant huit heures d’affilée devant un auditoire de célébrités hollywoodiennes éblouies et fascinées.

Nous allons écouter deux enregistrements rares de cette époque, retrouvés en parfait état de conservation :

D’abord un enregistrement réalisé en 1940 (Il y a 80 ans), Mario Lanza a 19 ans et s’appelle encore Alfred Cocozza.

Il chante «Ch’ella mi creda » de La Fille du Far West de Puccini, avec probablement au piano la soprano Irène Williams qui était son second professeur de chant ; le précédent, le baryton Scarduzzo, ayant déclaré forfait devant les dons exceptionnels de son élève.

Irène Williams s’étant rendu compte qu’elle tenait entre ses mains « un prodige », ce sont ses mots, le faisait découvrir à la haute société de Philadelphie en organisant des récitals.

C’est elle, et William Huff, directeur du Forum des Concerts de Philadelphie, qui le feront auditionner par Serge Koussevitzky.

On écoute maintenant, un enregistrement plus récent qui date tout de même d’il y a 76 ans. Mario Lanza a 23 ans, il est encore sous les drapeaux et chante « E lucevan le stelle » de Tosca. Un enregistrement  réalisé dans le studio Melotone le 22 mai 1944, avec Maria Margelli au piano.

Après son premier et immense succès le 26 août 1951 au festival de musique de Spoleto, Franco Corelli est sollicité par plusieurs théâtres lyriques italiens.

Etonnamment, il choisit de débuter sa carrière avec des opéras rarement joués tels que Guerre et Paix de Prokofiev, Iphigénie en Tauride de Gluck ou Giulietta e Romeo de Riccardo Zandonai qu’il chante en 1953 à l’Opéra de Rome dont il deviendra un membre permanent avec un répertoire étendu de quelques 30 rôles.

En avril 1953, Corelli chante pour la première fois avec Maria Callas dans  Norma de Bellini.

Il la retrouvera à nouveau en 1954 à l’occasion de ses débuts à La Scala dans une production très applaudie de La Vestale de Gasparo Spontini.

Les apparitions qu’ils effectueront ensemble par la suite feront partie de la légende.

Du Trouvère de Verdi, on écoute Franco Corelli chanter la célèbre strette : « Di quelle pira ». L’orchestre symphonique de Milan est dirigé par Alfredo Simonetto. Un enregistrement de 1955.

Di Stefano poursuit, sur sa lancée, une brillante carrière jalonnée de succès flatteurs. En 1950 il participe au Festival de Vérone où il chante Nadir dans Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet.

Sa carrière triomphale commence véritablement en septembre 1951
lors d’une rencontre spectaculaire avec Maria Callas et Tito Gobbi.

Une autre soirée tout aussi spectaculaire a lieu en mai de l’année suivante au Palacio de Bellas Artes à Mexico, quand Di Stefano chante avec Callas dans Les Puritains.

À Noël 1952, ils sont ensemble à La Scala pour une représentation de  La Gioconda de Ponchielli.

En 1952-1953, Di Stefano commence à se lasser de son répertoire de ténor lyrique. Il voudrait chanter des rôles plus dramatiques, généralement dévolus à des voix plus larges.

Mais, il n’a ni l’envergure ni la puissance vocale que requiert le répertoire vériste.

Un autre grand moment dans sa carrière viendra en janvier 1954 à La Scala lors d’une représentation de Lucia di Lammermoor avec Maria Callas, dirigée par Herbert von Karajan.

En 1957, Di Stefano chante le rôle de Nemorino dans l’Elixir d’amour  de Donizetti au Festival international d’Édimbourg.

Quatre ans plus tard, il se produit dans Tosca à Covent Garden et au Royal Opera House de Londres.

A Berlin-Ouest il chante l’Opérette Le Pays du sourire qui remporte un grand succès et l’ouvrage sera représenté dans toute l’Amérique du Nord.

Des Puritains de Vincenzo Bellini, on écoute par Di Stefano et Callas, le duo passionné entre Arthur et Elvira « Vieni fra queste braccia » (Viens dans ces bras), où le ténor doit atteindre deux contre-ré. L’orchestre de La Scala est dirigé par Tullio Serafin.

Un enregistrement réalisé en 1953.

Démobilisé en Janvier 1945, et marié le 13 avril, le « Caruso de l’US Air Force », c’est ainsi qu’il était surnommé, décide de s’installer à New York, là où bat le cœur de l’opéra et où l’on trouve les grands professionnels du chant.

Auditionné par la soprano Jean Tennyson, en même temps que plusieurs autres concurrents, pour participer à une future émission de radio qui sera diffusée dans tour le pays : « Great Moments in Music : The Celanese Hour », Mario Lanza est choisi d’emblée.

Il chantera des airs et des duos d’opéra durant six émissions et remplacera au pied levé le grand ténor du Met, Jan Peerce.

Un jour d’Août 1945, il impressionnera si fortement Sam Weiler, un promoteur immobilier fortuné, grand connaisseur d’opéra, devant lequel il chanta fortuitement « Mattinata », que celui-ci, sidéré, déclarera avoir mis plusieurs jours à se remettre de son émotion.

Lui qui avait entendu les plus grands chanteurs, dira : « Je n’avais, de ma vie, entendu quelque chose de si naturellement brillant. Je sus que je venais d’entendre la plus grande des voix du monde. »

Sam Weiler, qui deviendra son premier manager, va financer au jeune Mario Lanza des cours de chant avec le fameux maestro Enrico Rosati, âgé de 72 ans, qui fut le professeur de grandes voix dont Gigli et Lauri-Volpi.

Lors de sa première audition, Rosati dira à Lanza : « Vous recherchez un professeur de chant, mais vous avez déjà eu le meilleur de tous… Dieu ! »

Sa formation avec Rosati fut courte, 15 mois, mais suffisante compte-tenu des prédispositions du jeune ténor.

Mario Lanza donnera son premier concert à Atlantic City en octobre 1945, jour du Labor Day, accompagné par le NBC Symphony Orchestra dirigé par le célèbre maestro Peter Herman Adler qui dirigera en 1950, les enregistrements du film de Richard Thorpe « Le Grand Caruso ».

De La Bohème de Leoncavallo, on écoute : « Testa adorata »

Franco Corelli, poursuit son parcours triomphal hors d’Italie.

En 1957 il triomphe à Covent Garden dans La Tosca de Puccini, avec pour partenaire la grande soprano dramatique croate Zinka Milanov.

En 1958, il épouse la fille d’une basse Milanaise, Loretta di Lelio, elle-même soprano, qui devient son agent.

Le 27 janvier 1961, Corelli et Leontyne Price font conjointement leurs débuts au Met de New York, dans le Trouvère de Verdi.

La même saison, Corelli et Birgit Nilson remettent Turandot de Puccini au répertoire de l’opéra new-yorkais.

Cette production fut un grand succès personnel pour Corelli qui sera invité à ouvrir la saison suivante dans le rôle d’André Chénier, sans doute l’une de ses plus grandes réussites.

En 10 saisons, Franco Corelli chantera au Met 15 rôles dont 368 fois le célèbre « Cielo e mar » de la Gioconda de Ponchielli.

Spécialiste des rôles héroïques italiens et français, il se produit en Europe, en particulier à La Scala de Milan, et au Festival de Salzbourg sous la baguette d’Herbert von Karajan.

Des Lombards de Verdi, on écoute par Franco Corelli : « La mia Letizia infondere »

Cette fois, c’est décidé. Après avoir chanté avec un immense succès de nombreux rôles du répertoire romantique, Di Stefano décide de s’attaquer au répertoire héroïque pour lequel il n’est visiblement pas fait.

En cinq ans la voix est en lambeaux.

Entre 1953 et 1960, Di Stefano fit, probablement, plus de mauvais choix de répertoire qu’aucun autre chanteur.

Au lieu d’entretenir ses précieux talents, il est tenté de se mesurer à des Mario Del Monaco, Carlo Bergonzi et autres Franco Corelli, ténors de puissance, et perdit son pari.

A partir de 1960, alors qu’il n’a même pas 40 ans, ses prestations se détériorent.

Le musicologue anglais Matthew Boyden écrit dans son livre sur l’histoire de l’Opéra : « Pour quiconque ayant entendu chanter Di Stefano dans les années 1940, c’était un peu comme de voir Laurence Olivier oublier son texte ».

Di Stefano retrouve encore Maria Callas, avec laquelle il est affectivement très lié, pour une représentation des Vêpres siciliennes lors de la réouverture du Théâtre Régio de Turin.

De Carmen de Georges Bizet on écoute Di Stefano chanter l’air de la fleur. Il est accompagné au piano par Robert Sutherland ;

Un enregistrement réalisé lors d’un récital donné avec Maria Callas au Canada, sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal.

Après avoir donné son premier prestigieux concert à Atlantic City, Mario Lanza va entreprendre une longue et triomphale tournée aux Etats-Unis et au Canada.

« Partout où il passait ce n’était qu’ovations, ovations et encore ovations », diront ses accompagnateurs. Le public en liesse exultait et les critiques musicaux sidérés, ne tarissaient pas d’éloges :

« Mario Lanza est doué d’une rare intelligence musicale, sa diction est parfaite et sa voix de ténor extraordinaire donne le frisson ».

Deux mémorables concerts géants viendront s’intercaler parmi une longue liste. Les 6 et 7 juillet 1946, à seulement 25 ans, Mario Lanza attire, sur son seul nom, au Grant Park de Chicago, 76 000 spectateurs qui viennent l’acclamer.

Avec le « Bel Canto Trio », créé le 8 juillet 1947 par Columbia Artists, il chantera dans 86 concerts. Ses partenaires, la soprano canadienne Frances Yeend et son ami de régiment le baryton-basse George London seront admiratifs.

London dira, comme d’ailleurs le ténor Tito Schipa : « Mario Lanza a la plus grande voix jamais octroyée à un être humain ! »

Les 8 et 10 avril 1948, dans l’attente de la mise en chantier de son premier film, il chantera deux fois, à guichets fermés, à l’Opéra de la Nouvelle Orléans le rôle de Pinkerton dans Madame Butterfly, avec d’interminables « standing ovations ».

Durant sa très courte carrière qui durera seulement 11 ans, Mario Lanza donnera 162 concerts et récitals à guichets fermés, tous plus mémorables les uns que les autres, dont 3 au Hollywood Bowl de Los Angeles et 21 récitals en Europe dont 2 au Royal Albert Hall de Londres les 16 et 18 janvier 1958.

Le ténor Nicolaï Gedda qui assistait au récital du 16 janvier déclarera : « c’est la plus grande voix que j’aie jamais entendue ! »

A ces 162 concerts et récitals, donnés à guichets fermés, il convient d’ajouter ses innombrables récitals d’airs d’opéra donnés pendant trois ans au Théâtre aux Armées.

A Hollywood, il tournera cinq films qui mettront tous en valeur sa magnifique et incomparable voix et feront découvrir, avec un spectaculaire éclat, l’opéra au grand public.

« Le Grand Caruso », son film le plus prestigieux, fera le plus grand nombre d’entrées au cinéma mondial en 1951 et battra tous les records de recette de l’année.

Le fils cadet de Caruso, Enrico Caruso Jr. déclarera : « C’est Mario Lanza qui a fait le succès du film. Avant Mario Lanza et après Mario Lanza, aucun ténor n’aurait pu incarner avec un tel talent vocal, la vie de mon père ».

Le film est tellement enthousiasmant et inspirant que Pavarotti ira le voir tous les jours en 1953 jusqu’à ce qu’il soit déprogrammé.

Parallèlement ses disques chez RCA se vendront par millions et il gagnera énormément d’argent. Malheureusement pour lui, il ne verra pas beaucoup la couleur de ses fabuleux cachets car à cette époque les revenus supérieurs à 100 000 dollars sont taxés à 90% par le fisc américain.

En Italie, Mario Lanza tournera encore deux films à succès en 1957 et 1958 et il enregistrera plusieurs magnifiques albums chez RCA.

Il mourra subitement en pleine gloire à Rome le 7 octobre 1959 à l’âge de 38 ans, au moment même où il s’apprêtait à entreprendre une nouvelle tournée de concerts en Israël, en Afrique du Sud et en Russie.

Un nouveau film était en préparation et il devait ouvrir la saison lyrique 1959-1960 à l’Opéra de Rome avec Paillasse.

De Paillasse, on écoute Vesti la giubba, son « lucky aria » (son air de chance), comme il se plaisait à le rappeler. Un air que Caruso rendit célèbre et que Mario Lanza rendra plus célèbre encore.

Franco Corelli s’illustre mémorablement dans deux opéras français qui semblaient avoir été écrits spécialement pour lui : Roméo et Juliette et  Werther.

Son Roméo était un solide gaillard passionné et viril, et il lui conférait certaines des plus belles sonorités entendues à l’opéra. Le rôle de Werther lui convenait à la perfection, sensible, romanesque et vulnérable.

En raison de son physique de jeune premier, Corelli était surnommé « Cuisses d’or » par la troupe du Metropolitan Opera. On raconte que les sopranos tournaient de l’œil pendant les duos d’amour, que les choristes se mettaient à bredouiller, que les musiciens de l’orchestre se levaient à l’issue des représentations pour l’ovationner avec le public.

Pourtant, aucun de ses confrères ne lui manifesta la moindre jalousie, la plupart étant trop flattés de pouvoir se produire à ses côtés.

A la fin de sa carrière, Corelli était devenu un personnage faustien, un homme doué, pour ses admirateurs, d’un talent surnaturel, mais condamné à l’insatisfaction perpétuelle.

Les enregistrements qu’il nous a laissés donnent une idée de l’enthousiasme quasi animal qu’il pouvait susciter, de l’intensité de ses aigus et de sa prodigieuse tenue du souffle.

Sa prononciation déplorable mise à part, on peut dire que dans les rôles qu’il maitrisait parfaitement : André Chénier, Le Trouvère, Werther, Carmen, Paillasse, La Force du Destin, Aïda, Franco Corelli était tout simplement insurpassable.

En 1973 et 1974 il donne une série de concerts avec Renata Tebaldi et cesse de chanter sur scène en 1976 alors qu’il n’a que 55 ans.

Franco Corelli meurt à Milan le 29 Octobre 2003, à l’âge de 82 ans, 44 ans après Mario Lanza, autant dire une éternité.

On écoute, extrait d’Ernani de Verdi : « Mercé, diletti amici ». L’Orchestre symphonique de Turin est dirigé par Arturo Basile, 1954.

En 1972 Giuseppe Di Stefano propose à Maria Callas de faire, en sa compagnie, une tournée internationale de récitals, afin de collecter des fonds pour financer le traitement médical de sa fille.

Au cours de cette tournée, les voix des deux artistes apparaissent très abîmées et leur série de concerts sera interrompue à Sapporo
le 11 novembre 1974.

Même avec sa voix réduite à un murmure, Di Stefano poursuivra ses apparitions publiques jusque dans les années 1990.

En 1992, il chante le rôle de Calaf dans Turandot sur la scène des Thermes de Caracalla à Rome.

Fin 2004, alors qu’il séjourne au Kenya dans sa villa familiale de Diani, sur le littoral kenyan de l’océan Indien, il est victime d’une violente agression.

Grièvement blessé à la tête Di Stefano est hospitalisé à Mombasa, puis évacué vers Milan ; mais il  ne se remettra pas de ses traumatismes et restera totalement invalide.

En décembre 2007 il tombe dans le coma et meurt dans sa résidence de Santa Maria Hoè, au nord de Milan, le 3 mars 2008, à l’âge de 86 ans.

Pendant plus de vingt ans Di Stefano aura foulé les scènes les plus prestigieuses.

Du troisième acte de Rigoletto de Verdi, on écoute, par Giuseppe Di Stefano, Maria Callas, la contralto Adriana Lazzarini et Tito Gobbi, le quatuor : « Bella figlia dell amore » (Belle fille de l’amour).

L’orchestre et les chœurs de la Scala sont dirigés par Tullio Serafin.

Un enregistrement réalisé en septembre 1955.

On peut ajouter pour terminer, que ces trois immenses ténors nés à trois mois d’intervalle en 1921, se voueront réciproquement un grand respect et une profonde admiration.

Mario Lanza admirera Corelli et Di Stefano pour leur brillants succès sur les plus grandes scènes d’opéra, regrettant sans doute de n’avoir pas pris la même direction, celle, exclusive, de l’opéra, ce qui était son désir le plus intense lorsqu’il était jeune ; et Corelli et Di Stefano admireront Lanza pour l’immense star planétaire qu’il était devenu et pour sa voix, qu’ils considéraient, eux aussi, comme « La voix du siècle ».

Tous les trois, et plus particulièrement Mario Lanza qui incarnera avec ses films, le ténor d’opéra par excellence, inspireront la carrière de plusieurs générations de chanteurs, dont celle des «Trois ténors » qui leur voueront une admiration sans borne.

 

 

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