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Ecouter Mario Lanza

Leoncavallo : VESTI LA GIUBBA
Dicitencello Vuie
Verdi: OTELLO "Dio mi potevi"
Na sera e maggio
Serenade de Romberg
Leoncavallo: LA BOHEME
Giordano: ANDREA CHENIER














Chanteurs français


Affiche Roberto ALAGNA

Né le 7 juin 1963 à Clichy-sous-Bois, de parents siciliens immigrés en France, le ténor franco-italien Roberto Alagna peut se prévaloir d’avoir réalisé une longue et brillante carrière, et d’avoir relancé avec brio l’opéra français (Werther, Le Cid, Faust, Roméo et Juliette, Cyrano de Bergerac…).

Il a non seulement pratiquement tout chanté, mais Il est aussi le seul ténor français à s’être produit sur les grandes scènes internationales, accompagné par les plus grands chefs, dont Sir Antonio Pappano.

Roberto Alagna a en outre à son actif une importante discographie d’airs d’opéras, d’intégrales (Tosca, Carmen, Lucia di Lammermoor…) et de chansons de variété, dont un album d’hommage à Luis Mariano.

Dans ses nombreux concerts il rend fréquemment hommage au Grand Mario Lanza, son éternelle idole, en interprétant une sélection de ses plus célèbres chansons.

Roberto Alagna est l’auteur de deux livres : une autobiographie « Je ne suis pas le fruit du hasard » Ed. Grasset 2007 et « Mon dictionnaire intime », avec la contribution d’Alain Duhaut,  Ed. Brochet 2019.

Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 2008.

 

BOUE

Par Jean Ziegler

Soprano française, Geori Boué, entre au Conservatoire de sa ville natale, Toulouse, dès l’âge de 7 ans, pour y suivre les cours de solfège, de piano, de harpe et d’harmonie. A 15 ans, sa voix exceptionnelle lui vaut un premier  accessit et deux ans plus tard deux premiers prix. Elle fait ses débuts au Capitole dans le page Urbain des Huguenots, suivi de Siébel, de Hilda de Sigurd, de Mathilde de Guillaume Tell, de Micaëla et de multiples héroïnes d’opérettes. Jacques Rouché l’engage à l’Opéra Comique où sa « Mimi » lui vaut un triomphe. Mais c’est la guerre, la vie musicale est interrompue à Paris. Elle repart pour le midi.

Reynaldo Hahn a participé à la reconstitution de la version originale de Mireille et cherche l’interprète qui saura l’imposer. Paul Bastide, alors directeur de l’Opéra de Marseille, lui parle de succès considérables remporté dans son théâtre. Reynaldo Hahn l’écoute et le 28 juin 1941, le “ miracle ” s’accomplit au Théâtre antique d’Arles.

Entre-temps, Geori Boué court d’un triomphe à l’autre: Manon, Cio-Cio-San, Marguerite, Violetta,… et même Léonore de Fidélio à Cannes. A la radio, elle chante Ophélie, Norina, Gilda, Leila. De retour à l’Opéra-Comique, sa Mireille soulève l’enthousiasme. Et ce sont le 25 mai 1942 ses débuts en Marguerite au Palais Garnier, suivis de sa première apparition dans Thaïs. La voyant alors, Sacha Guitry fait de Geori Boué la vedette de son film « La Malibran ». Par la suite, elle est Desdémone, Juliette, Nedda…

Avec son mari, le baryton Roger Bourdin, elle fait triompher Pelléas et Mélisande à la Scala de Milan, Eugène Onéguine au Bolchoï de Moscou. Avec le célèbre comédien Maurice Escande, elle entreprend une tournée du Mozart de Reynaldo Hahn et Sacha Guitry. Viendra ensuite la création Salle Favart de la Ciboulette de son ami Reynaldo et plus tard sur d’autres scènes de bien savoureuses séries de Belle Hélène et de Veuve Joyeuse, puis de bouleversantes Carmen et Charlotte de Werther.

CRESPIN

Par Mattew Boyden, critique d’Art lyrique à la BBC
Auteur de nombreux ouvrages sur l’Opéra

En dépit d’une tradition culturelle très riche, la France n’a produit au 20ème siècle qu’une poignée de sopranos ayant atteint une renommée internationale. Parmi celles-ci, Régine Crespin fut l’une des rares à avoir réussi à chanter Wagner. La chanteuse débute en 1950, dans le rôle d’Elsa (Lohengrin, Wagner) à l’âge de 23 ans – un rôle qui, de nos jours, ne serait pas dévolu à une soprano de moins de 30 ans.

A peine avait-elle repris son souffle qu’elle était engagée par l’Opéra de Paris, pour chanter le même rôle devant un parterre extatique, s’attirant les éloges unanimes de la critique. Elle consacre les six années qui suivent à perfectionner sa technique, tout en étudiant le grand répertoire italien, allemand et français. Sa grande ambition : se produire à Bayreuth.

En 1956, elle retourne à l’Opéra de Paris. L’année suivante, elle est engagée par Francis Poulenc pour chanter le rôle de Madame Lidoine dans la création du Dialogue des Carmélites. Moins d’un an plus tard, son rêve se réalise : elle est invitée à auditionner à Bayreuth. Ebloui par sa voix somptueuse et profondément ému par sa maîtrise apparemment instinctive de la poésie de son grand-père, Wieland Wagner l’engage pour chanter Kundry (Parsifal) en 1958.

Son succès est immédiat et inconditionnel, et le monde entier se rejoint d’avoir enfin découvert une vraie grande soprano wagnérienne de l’envergure de son illustre aînée, la française Germaine Lubin. En 1959, Régine Crespin fait sa première apparition à Glyndebourne, dans le rôle de la Maréchale (Le Chevalier à la Rose, Richard Strauss), et en 1961 elle retourne à Bayreuth pour chanter Sieglinde (La Walkyrie, Wagner). L’année d’après, elle fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York, à nouveau dans le rôle de la Maréchale, et devient du même coup l’une des sopranos lyriques les plus demandées dans le monde.

Malheureusement, vers le milieu des années 1960, elle accepte une série de rôles qui ne siéent pas à sa voix. Son apparition dans les rôles titres de Fidelio (Beethoven) et d’Ariane à Naxos (Richard Strauss) lui attire les critiques pour la première fois de sa carrière. En 1967, lorsqu’elle chante Brünnhilde (La Walkyrie, Wagner) au festival de Salzbourg, il est évident pour tout le monde qu’elle a outrepassé ses limites vocales.

Il s’en suit une période de repos forcé durant laquelle elle retravaille sa voix pour faire un retour fracassant en tant que mezzo-sopano. Ses dernières apparitions à la scène dans le rôle de la comtesse (La Reine de Pique, Tchaïkovski) témoignent de ses qualités exceptionnelles d’interprète. A son apogée, sa voix de Crespin fut l’une des plus belles et irrésistiblement féminines du XXème siècle.

Elle apportait à ses héroïnes, notamment celles du répertoire allemand, une dimension érotique qui, à ce jour encore, reste inégalée. Elle décède à Paris le 5 Juillet 2007.

Une expositio-hommage consacrée à Régine Crespin s’est déroulée du 19 juin au 15 août 2010 à lOpéra de Paris.

Un beau concert en hommage à la grande soprano française a eu lieu le vendredi 25 juin 2010, à la Mairie du 9ème arrondissement (Salle Rossini), avec 15 jeunes artistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris en présence de M. Jacques Bravo, Maire du 9ème arrdt., de M. Thierry Cazaux, délégué à la Culture et au Patrimoine, et de M. Christian Schirm, directeur de l’Atelier lyrique. (Voir compte-rendu de ce concert à la rubrique: EVENEMENTS).

DORIA

Par Guy Dumazert

Pour les amateurs de vocalité, le nom de Renée Doria évoque d’emblée Manon, Thaïs, Susanna, Traviata, Juliette, Lucia… Et pourtant… Autodidacte, elle débuta comme pianiste, puis interprète d’arias, antiques ou récentes. C’était encore l’époque des disques “78 tours”. Au premier chef, les mélodies distillées en français par Claire Croiza, Ninon Vallin, Charles Panzéra et Germaine Martinelli, la fascinaient.

Très précoce, comme le furent les Espagnoles : Barrientos, Capsir ou Supervia, cette catalane commença le chant professionnel, s’accompagnant parfois elle-même au piano, dès l’âge de 15 ans ; d’abord à Perpignan ; puis à travers le Midi de la France, jusqu’à la fin de 1941. Dès lors, etpour trois décennies, le monde du théâtre lyrique devait l’accaparer. Cependant, à chaque occasion, la virtuose revenait à ses premières amours : le lied. Après le succès de l’intégrale des Contes d’Hoffmann, avec Cluytens, Renée Doria choisit de confier au disque, en première mondiale, la « Vocalise en forme de habanera », de Ravel, (vrai registre de mezzo) (1959) ; Cinq ans plus tard, Emile Vuillermoz, élève de Fauré, la désigna pour graver en microsillon « La Chanson d’Eve ».

Et c’est encore dans cet univers, pour elle onirique et familier, qu’elle devait mettre un point final à sa vie de chanteuse.  En 1993, Bruno Saint-Germain et Jean-Louis Percot, fondateurs des éditions phonographiques Dante, lui ont proposé d’enregistrer, avec le pianiste australien G. Douglas Madge, un programme de mélodies françaises. Depuis la Renaissance, la chanson française a témoigné d’une effervescente vitalité. Berlioz, et surtout Gounod lui ont conféré ses lettres de noblesse. Gounod, dont la fibre dramatique n’est pas le point fort, est le vrai créateur de la mélodie française, tandis que la chanson proprement dite perdurait dans sa course populaire.

Après lui, Bizet, Lalo, Chausson et tant d’autres, jusqu’à Satie et Francis Poulenc, méritent d’être chantés et enregistrés, outre Fauré, Debussy et Ravel, universellement reconnus. Dans ces deux CD, le choix est inévitablement restreint et arbitraire. C’est un bouquet, parmi cette foisonnante diversité.Le musicologue Léon Vallas, spécialiste de Vincent d’Indy et de Claude de France, attachait une réelle importance aux « Ariettes oubliées », dans la version de Renée Doria et Tasso Janopoulo.C’est lui qui a conseillé à Vuillermoz de les écouter. « La Chanson d’Eve » en a découlé.

Malencontreusement, les bandes originelles ont été perdues, ainsi que certaines autres (Bizet, Massenet, Reynaldo Hahn…). Nous avons fait tout notre possible pour restaurer le son ; en tout état de cause, ces interprétations méritaient sans doute d’être portées à la connaissance des amateurs. En revanche, nous avons pu retrouver la bande des « Chansons franco-canadiennes » que le même Vuillermoz a serties d’une subtile harmonisation. Les plus connues d’entre elles ont été jadis enregistrées.

On connaît Claire Croiza, dans « Jardin d’amour ». Panzéra, Vanni-Marcoux et Mary Marquet (avec Lily Laskine), ont prêté leur voix aux “Trois Princesses ” ; Ninon Vallin, à trois pièces du recueil. Mais la totalité du corpus est rarement chantée.

Il est certain que la pratique de la mélodie n’est pas l’opposite du chant d’opéra. Elle ne peut qu’ennoblir le phrasé, qui est l’art d’enrober le mot et l’idée dans le son ; En affermissant son médium et son registre grave, en affinant son sens de la nuance et du bien-dire, elle a sans doute aidé une chanteuse de tessiture aiguë à s’imposer aussi bien, et même mieux, dans des emplois lyriques, voire dramatiques.

Ajoutons qu’en 1955, Renée Doria inaugura le catalogue lyrique de Philips France avec La Veuve Joyeuse, La Vie Parisienne (Grand Prix du Disque), Le Pays du Sourire et une sélection de Manon avec Alain Vanzo et Adrien Legros (1956). A partir de 1959, Renée Doria enregistra des intégrales : Rigoletto, avec Alain Vanzo;  Thaîs, avec Michel Sénéchal, Robert Masssard, Gérard Serkoyan; Mireille avec Michel Sénéchal, Robert Massard, Solange Michel; Le Barbier de Séville avec Alain Vanzo, Robert Massard, Adrien Legros, Julien Giovanetti.

Renée Doria enregistra aussi, entre 1965 et 1975, une importante sélection d’airs d’opéra et d’opérettes.

Rappelons enfin que cette grande cantatrice française qui fit ses débuts à l’âge de 20 ans à l’Opéra de Marseille dans le rôle de Rosine du Barbier de Séville, créa à l’Opéra de Mulhouse, avec Ninon Vallin, Rocio, un opéra de Maurice Perez dont l’air le plus connu est « La prière de Milagros ».

Renée Doria chanta sur toutes les scènes de France, ainsi qu’en Hollande et en Italie.

En trente ans de carrière, Renée Doria chanta plus de 60 rôles dont celui de Violetta (La Traviata), plus de… 300 fois.

En juin 2007, Renée Doria a été promue Commandeur des Arts et Lettres. C’est le grand baryton français Daniel Marty qui lui a remis sa décoration.

En 2010, OPERA NEWS, la Revue du Metropolitan Opera, a consacré à Renée Doria une interview sur sa longue carrière..

Le 6 mars 2021, moins d’un mois après avoir fêté son centième anniversaire, Renée Doria est décédée dans sa résidence de La Celle-sur-Morin en Seine et Marne.

BACQUIER

Né le 17 mai 1924 à Béziers, Gabriel Bacquier, « Gaby » pour ses intimes, fut incontestablement le plus grand baryton-basse français du XXème siècle.

Sorti vainqueur en 1950 du Conservatoire de Paris où il était entré en 1945 pour étudier le chant, sa carrière peine cependant à démarrer.

Il se produit dans des cabarets et des salles de cinéma avant d’entrer dans la troupe de La Monnaie à Bruxelles puis, en 1956, dans la troupe de la RTLN qui réunit l’Opéra-comique et l’Opéra de Paris.

Remarqué par Gabriel Dussurget, directeur artistique de l’Opéra de Paris et fondateur du festival d’Aix-en-Provence, Gabriel Bacquier se voit confier le rôle de Scarpia aux côtés de Renata Tebaldi dans Tosca puis le rôle-titre de Don Giovanni, qu’il aborde le 9 juillet 1960 pour la première fois sous la direction d’Alberto Erede.

C’est le début d’une fantastique carrière au cours de laquelle il va chanter à peu près tout : Don Giovanni et Leporello dans Don Giovanni, Alfonso dans Così fan tutte et le comte Almaviva dans Les Noces de Figaro de Mozart, Golaud dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, Iago dans Otello, Fra Melitone dans La Force du destin et Falstaff (rôle-titre) de Giuseppe Verdi, les 4 diables dans Les Contes d’Hoffmann, le roi Pausole dans Les Aventures du Roi Pausole d’Arthur Honegger, le roi de Trèfle dans L’Amour des trois oranges de Prokofiev, etc.

Grand mozartien mais également défenseur des ouvrages baroques (GluckRameau, etc.), Gabriel Bacquier parcourt le monde et obtient le succès en interprétant les œuvres de compositeurs aussi variés que  RossiniBerliozBelliniDonizettiVerdiPucciniAmbroise ThomasLéo DelibesGounodMassenetCharpentierDebussyDukas, Ravel.

Son répertoire comprend également l’opérette, notamment les Viennois Johann Strauss II et Franz Lehár, et surtout Jacques Offenbach.

Il se produit sur les plus grandes scènes, le Metropolitan Opera de New York, l’Opéra de Paris, le Royal Opera House de Londres et le Wiener Staatsoper.

Particulièrement attaché à l’intelligibilité du texte, il donne de nombreux récitals de mélodies, au Carnegie Hall de New York et à Paris.

Parmi les enregistrements importants qu’il a réalisés on trouve trois intégrales de Mozart : Les Noces de FigaroDon Giovanni et Così fan tutte ; plusieurs opéras de Verdi ; un récital de mélodies avec Jean Laforge et un récital d’airs d’opéra dirigé par Jésus Etcheverry.

Une compilation : « L’Art de Gabriel Bacquier », regroupant des airs d’opéras, d’opérettes et des mélodies est parue chez Decca en 2012.

Véritable « Ambassadeur du chant français », Gabriel Bacquier s’est vu décerner de nombreux prix et distinctions.

Il a été honoré deux fois par « Les Victoires de la Musique » (en 1985 comme meilleur artiste lyrique et en 2002 pour l’ensemble de la carrière) et a reçu de multiples prix du disque ainsi que l’International Fidelio Medal of Directors.

L’Académie du disque lyrique lui a décerné le « Prix Herbert von Karajan », destiné à récompenser une carrière exceptionnelle discographique et théâtrale, en 2004 et deux « Orphées d’or » en 2004 et 2013.

Parmi ses autres récompenses, on peut citer le « Prix national du Disque » et le « Prix Charles-Panzéra », en 1963 ; le « Prix Lily Pons » en 1966, et la « Cigale d’or » (félibre majoral) attribuée par le Festival d’Aix-en-Provence en 1975.

Gabriel Bacquier est aussi titulaire de nombreuses décorations : Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’ordre national du Mérite, Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, Commandeur de l’ordre du Mérite culturel (Monaco), Médaille de vermeil de la Ville de Paris.

Gabriel Bacquier est mort à 95 ans le 13 mai 2020 à son domicile de Lestre dans la Manche.

EDA-PIERRE

Première cantatrice française noire à connaître une carrière internationale, Christiane Eda-Pierre défendait la représentativité des artistes noirs dans tous les arts.

L’actuelle ministre de la culture, Roselyne Bachelot, avait déclaré en 2018, dans une chronique sur France Musique : « Quelle voix, quelle belle personne qu’est Christiane Eda-Pierre ».

Elle la qualifiait de « reine française de l’art lyrique » de « mozartienne d’une subtilité incomparable ».

« Christiane Eda-Pierre  a su imposer son style, sa voix, sa personnalité, son rire. Elle n’a jamais oublié d’où elle venait, la Martinique » a réagi Fabrice di Falco, chanteur lyrique lui aussi martiniquais et organisateur du concours Voix des outre-mer.

Née à Fort-de-France en Martinique le 24 mars 1932 dans une famille d’intellectuels (famille Nardal), Christiane Eda-Pierre arrive à 18 ans en métropole où elle suit des cours de piano à l’École Normale de Musique.

Le grand baryton suisse Charles Panzéra remarque son talent et la pousse à développer son timbre de soprano colorature.

Ce qu’elle fera dès 1954 au Conservatoire National Supérieur de Musique, où elle travaille le chant avec le baryton Louis Noguera.

La jeune soprano remporte plusieurs prix et sort du Conservatoire en 1957 avec le premier prix de chant, le premier prix d’opéra et le premier prix d’opéra-comique.

En 1958, Christiane Eda-Pierre fait ses débuts à l’Opéra de Nice dans Les Pêcheurs de perles de Bizet en interprétant le rôle de Leila aux côtés du grand baryton-basse Gabriel Bacquier, décédé en mai.

L’année suivante, elle se distingue dans La Flûte enchantée de Mozart, dans le rôle de Papagena, au Festival d’Aix-en-Provence où elle retourne en 1965 mais pour interpréter cette fois-ci la Reine de la nuit.

Rapidement, sa carrière se développe à Paris, à l’Opéra-Comique et au Palais Garnier mais également dans les plus grandes salles européennes (Londres, Vienne, Salzbourg) et internationales (Moscou, Chicago, New York).

Très éclectique dans ses choix, Christiane Eda-Pierre aura abordé tous les répertoires du lyrique, opéra, opéra comique et baroque et tous les styles.

Ainsi, en 1977, c’est dans Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, mis en scène par Patrice Chéreau, qu’elle triomphe.

En 1980,  Christiane Eda-Pierre chante avec Luciano Pavarotti dans un concert géant au Central Park de New-York devant 300 000 personnes.

Le public américain salut sa prestation par une extraordinaire ovation.

En 1983, on la retrouve au côté de José Van Dam pour la création de l’opéra contemporain Saint-François d’Assise d’Olivier Messiaen.

La cantatrice termina sa carrière publique en 1986 à l’Opéra royal de Bruxelles avec Gérard Mortier.

Après son retrait de la scène, Christiane Eda-Pierre se consacre à l’enseignement du chant et donne des master classes à la Schola Cantorum de Paris ainsi qu’au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris entre 1978 et 1997.

Elle compte parmi ses élèves la mezzo-soprano Nora Gubisch, qui est magnifique, mais aussi Sylvie Valayre et Magali Léger.

Nora Gubisch dit que la voix de Christiane Eda-Pierre avait « un timbre indescriptible et qu’il y avait de la chaleur et du soleil dans sa voix qui était comme une caresse sur le coeur ».

Elle ajoute, qu’en tant que professeur, « elle transmettait une sécurité et une longévité vocale qui rassuraient et donnaient confiance à ses élèves pour leurs choix de répertoire. 

Elle était très généreuse et voulait le meilleur pour nous. Je conseille à tous ceux qui ne la connaissent pas d’écouter au plus vite ses enregistrements ».

Christiane Eda-Pierre est décédée à 88 ans le 6 septembre 2020 dans sa maison des Deux-Sèvres. Elle a été inhumée le 11 septembre 2020, au cimetière de Saint-Maurice-la-Fougeuse, dans le département des Deux-Sèvres en région Nouvelle-Aquitaine, auprès de son fils et de son mari.

Le Ministère des outre-mer a déclaré que « L’opéra français perd une voix irremplaçable et la Martinique un de ses enfants les plus talentueux ».

 

RHODES

Par Danielle Pister

Le nom de Jane Rhodes restera attaché à deux prises de rôle où son tempérament flamboyant a pu se déployer dans tout son éclat : « Carmen » (quand l’œuvre de Bizet quitte, en 1959, la scène de l’Opéra-Comique, où elle a toujours été jouée depuis 1875, pour celle du Palais-Garnier) et « La Périchole » (donnée au Théâtre de Paris en 1969).

Les deux spectacles, mis en valeur par des mises en scène somptueuses, de Raymond Rouleau, pour le premier, de Maurice Lehmann pour le second, ont d’autant plus marqué les mémoires des Français qu’ils ont bénéficié de retransmissions radiotélévisées qui ont popularisé l’image de celle que les médias n’hésitèrent pas à surnommer la « Bardot de l’Opéra ».

La nature a en effet comblé la jeune cantatrice, née le 13 mars 1929 à Paris, de multiples dons: un physique de rêve, une voix exceptionnellement longue (du contralto au soprano lyrique à l’origine) qui lui permettra de chanter les rôles de mezzo et de soprano, et un réel talent de comédienne.

Attirée par le théâtre, elle a suivi les célèbres cours d’Art Dramatique de la rue Blanche et a même travaillé avec Louis Jouvet. Mais sa rencontre, alors qu’elle n’a que 14 ans, avec la mezzo-soprano Hélène Bouvier, décide de son sort.

Jane Rhodes commence dans les chœurs du Chanteur de Mexico au Châtelet. Mais, ses vrais débuts ont lieu à Nancy, en 1953, dans la Marguerite de La Damnation de Faust. Elle est distribuée en province, outre Berlioz et Tosca, dans Charlotte de Werther, Lisa de La Dame de Pique, Grisélidis de Massenet, Les Deux Veuves de Smetana et des ouvrages contemporains, Le Château de Barbe Bleue de Bartók, Le Prisonnier de Dallapiccola, qui la font rechercher pour des créations : La mort à Bâle de Conrad Beck ; La vérité de Jeanne de Jolivet, créée le 20 mai 1956 devant la maison de Jeanne d’Arc à Domrémy pour les célébrations du 500ème anniversaire du procès de sa réhabilitation ; Cantate pour une démente de Maurice Jarre ; Le serment de Tansman ; Le chevalier de neige de Maurice Delerue sur un livret de Boris Vian.

En 1956, elle crée le rôle d’Isadora dans Le fou de Marcel Landowski, à Nancy. L’année suivante, Jane Rhodes enregistre, en première mondiale, L’Ange de feu de Prokofiev, dirigé par Charles Bruck. Couronnée par deux grands prix du disque, cette réalisation, suivie de La Voix humaine de Francis Poulenc, a un tel retentissement qu’il ouvre à la jeune cantatrice les portes de l’Opéra de Paris, sans en passer par l’audition réglementaire.

Elle débute sur les deux scènes nationales dans La Tosca et La Damnation de Faust avant de chanter Salomé de Richard Strauss sous la direction d’André Cluytens, aux côtés de Ramon Vinay et Rita Gorr.

En 1959, vient la consécration avec Carmen dirigée, au Palais Garnier, par celui qui deviendra son mari, Roberto Benzi. Le metteur en scène-cinéaste Raymond Rouleau la laisse inventer son personnage et, émerveillé par sa liberté et sa flamme naturelle, lui déclare : « Tu es ma divine folle ! »

Jane Rhodes exportera sa Carmen partout en Europe jusqu’aux deux Amériques et au Japon. En 1962, elle tourne le film The drama of Carmen pour la CBS sous la direction de Léonard Bernstein qui essaiera de la convaincre de rester aux Etats-Unis. Mais elle ne voulut pas rompre son contrat avec l’Opéra de Paris. Elle chantera cependant au Met, en 1962 et en allemand, Salomé.

Jane Rhodes est dédicataire du drame lyrique Les Adieux de Marcel Landowski créé à l’Opéra-Comique, en 1961. Elle aborde d’autres répertoires : à Aix en Provence, en 1961 et 1964, avec le rôle éponyme du Couronnement de Poppée ; au Festival du Marais en 1964, avec la Phèdre d’Hippolyte et Aricie.

L’Opéra de Paris lui offre l’occasion d’aborder le rôle d’Eboli dans Don Carlos et de retrouver la Marguerite de Berlioz dans la conception provocante de Maurice Béjart. A l’Opéra-Comique, elle chante en 1968, dans un même spectacle, L’Heure Espagnole de Ravel et La Voix humaine de Poulenc.

Ses talents de comédienne comme de chanteuse, qui firent merveille dans les grands rôles tragiques des grands opéras vont lui permettre d’aborder, avant d’autres cantatrices françaises qui le firent avant tout au disque, les personnages d’Offenbach exigeants un tempérament comique et un grand sens de l’humour : La Belle Hélène, à Strasbourg en 1962 et 1977, La Périchole, pour quelques 400 représentations à Paris dans les décors du peintre Jean Carzou, rôles où son pouvoir de séduction se déploie pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Son caractère bien trempé a parfois suscité des difficultés avec les directeurs d’Opéra. Elle se tourne alors vers le récital qui lui permet de mettre en valeur ses talents de musicienne et de diseuse dans la mélodie française (Duparc, Debussy, Ravel, Fauré, Poulenc, Milhaud) et le lied allemand (notamment Brahms), accompagnée par des pianistes comme Christian Ivaldi, Pascal Rogé.

Elle a consacré ses dernières années, toujours avec la même passion, à l’enseignement de l’art du chant.

Force est de constater, à l’heure où Jane Rhodes nous quitte, qu’elle a partagé, à de rares exceptions, le sort des artistes français qui ont commencé leur carrière après la Seconde Guerre mondiale : d’abord, un enfermement dans l’Hexagone, préjudiciable au rayonnement du chant français, dont nous payons le prix fort aujourd’hui ; s’y ajoute une maigre reconnaissance nationale, les citriques français ayant trop souvent fait preuve d’esprit partisan et de dénigrement systématique ; achevant le tout, une politique d’enregistrement désastreuse nous prive de témoignages précieux : comment ne pas regretter qu’on ne dispose pas de l’intégrale de cette Carmen qui fit tant de bruit en 1959 ? Or l’INA possède certainement des trésors qu’elle thésaurise à on ne sait quelles fins. Reste l’hommage du public. Gageons qu’il ne manquera pas à Jane Rhodes.

Morte le 7 mai 2011 à l’âge de 82 ans à l’hôpital américain de Neuilly, Jane Rhodes repose au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine

 MASSARD

Considéré comme « le plus grand baryton français de l’après-guerre », Robert Massard est devenu une référence pour les générations de barytons qui lui ont succédé, tant par la qualité de sa diction que de ses interprétations.

Né à Pau le 15 août 1925, il a interprété au cours de sa carrière, qui s’est étendue de 1952 à 1984, plus de cent rôles, aux côtés notamment de Maria CallasMontserrat CaballéPlácido DomingoMarilyn Horne et Joan Sutherland, sous la direction de chef tels que Georges PrêtreColin DavisCarlo Maria Giulini et John Eliot Gardiner.

Après des études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, Robert Massard fait ses débuts à l’Opéra de Paris en 1952 dans le rôle du grand prêtre (Samson et Dalila, Saint-Saëns) et s’impose, en France et à l’étranger, dans Gluck (rôles de Thoas, puis d’Oreste dans Iphigénie en Tauride) et dans Berlioz (rôle de Fieramosca dans Benvenuto Cellini). Il sera également un grand interprète de Verdi et de Rossini,

L’Opéra de Paris deviendra sa maison, son port d’attache – en 26 ans de carrière, il y ai chanté 1003 fois.

Robert  Massard a participé à 1967 représentations dont 1003 à l’Opéra Garnier et à l’Opéra comique, ainsi que 964 en province et à l’étranger.

Sa période glorieuse est celle qui court de 1954 à 1968 : à part 1962, il chante à l’Opéra de Paris entre 40 et 80 fois par an. Les grands rôles : Valentin (en 1955, il en fêtait déjà la 50ème !),  Tonio dans Paillasse, Germont, Zurga, Rigoletto, Escamillo ainsi que Macbeth, I PuritaniLucia di Lammermoor, Posa, Don Quichotte, Iphigénie, le Barbier…

Ses grands souvenirs se rattachent à des concerts exceptionnels comme sa tournée en URSS en 1963 : Kiev, Leningrad, Moscou. « On sentait la soif de liberté. On sentait aussi toute l’émotion du public lorsqu’il écoutait de la musique. C’était bouleversant. Il y eut aussi l’In Terra Pax de Frank Martin que nous avons donné en 1969 devant Paul VI. Pour un catholique comme moi, cela avait un sens énorme. » déclarera-t-il lors d’une interview.

Robert Massard enseignera le chant au Conservatoire de Bordeaux de 1978 à 1986, avant de se retirer dans sa ville natale, Pau, où il vit avec son épouse.

Régulièrement invité comme membre du jury de concours nationaux et internationaux de chant et d’art lyrique, Robert Massard a participé également aux émissions radiophoniques qui lui ont été consacrées sur France Musique (2005, 2007). Depuis 2015 le concours international de chant lyrique de Bordeaux porte son nom.

La discographie de Robert Massard est monumentale : on le trouve dans les premiers rôles de plus de 50 opéras et opérettes, partenaire de Maria CallasMontserrat CaballéPlacido DomingoMarilyn HorneJoan Sutherland et d’autres, sous la direction de Georges PrêtreColin DavisManuel RosenthalCarlo Maria GiuliniJohn Eliot Gardiner et d’autres.

SCHARLEY

Par Gérard LECAILLON & Sylvie NOLIAC

Avec sa voix unique de mezzo contralto parfaitement équilibrée, souple et puissante, assortie d’une articulation exemplaire et d’un tempérament de tragédienne hors du commun, Denise Scharley, née le 15 février 1917 à Neuilly-en-Thelle (Oise),  aura su se démarquer dans tous les grands rôles du répertoire et plus particulièrement dans de nombreuses créations modernes, telles les « Dialogues des Carmélites » de Francis Poulenc ou « Le médium » de G-C Menotti.

Munie de trois premiers prix du conservatoire de Paris en 1942, Denise Scharley intègre la troupe de la RTLN en débutant salle Favart dans « Geneviève » de Pelléas et Mélisande. Très vite, son répertoire s’enrichit d’un rôle phare : Carmen, dont elle possède la vraie couleur vocale, rôle quelle s’appropriera en enflammant une presse toujours unanime. Dotée d’une allure svelte et d’une élégance de reine, la cantatrice imposera sa gitane moderne dépourvue de toute vulgarité, d’abord à l’Opéra-Comique, puis titulaire du rôle pendant un an à la Monnaie de Bruxelles et au Grand Théâtre de Genève, enfin à l’Opéra Garnier de 1960 à 1969, dans la pharaonique production de Raymond Rouleau. Charlotte de Werther, Mignon, Amméris dans Aïda, font aussi d’elle une artiste que les grandes scènes étrangères réclament.

En 1947, Mario Del Monaco incarnera son Don José à Rome. Partenaire qu’elle retrouvera pour un légendaire « Samson et Dalila » au Palais Garnier en 1960, où l’ampleur de son timbre fera dire « qu’il n’existe pas en France une voix capable d’atteindre le fameux là grave du deuxième acte, avec une aussi opulente générosité ». Sa tessiture allant du contre mi grave au si bémol aigu, garde tout du long la même couleur veloutée. Une voix noire qui sera comparée aux « accents du violoncelle » ou à « la tragédie de l’orgue ».

Admirée par Francis Poulenc, Scharley reste aujourd’hui de l’avis de nombreux spécialistes, irremplaçable dans le rôle de la « Première Prieure » du Dialogues des Carmélites. Portée au pinacle en 1957, elle est la référence de la célèbre scène blasphématoire, les fauves de sa voix, son art de conjuguer les accents de vérité à la pureté vocale, s’appuyant sur des inflexions d’un style personnel et novateur.

Son répertoire étendu, comprendra, entre autre, une hallucinante «Ulrica» du Bal masqué à Paris en 1958. De Richard Wagner, elle chante « Fricka » de La Walkyrie, « Erda » dans Siegfried, La Première Norne dans le Crépuscule des Dieux. A son actif aussi, une séduisante « Dulcinée » de Don Quichotte. Une belle rencontre unira le contralto à « La Dame de Pique » de Tchaïkovski, au sein d’un foisonnant répertoire Russe. Emouvante dans Orphée de Gluck, elle campera avec autorité la mère de Louise, et défendra avec ardeur les ouvrages modernes comme le Consul, Maria Golovine de Menotti, son compositeur de prédilection, ainsi que le Tango pour une femme seule de Raffaelo de Banfield, où elle incarne « Carmen Gloria », une pathétique vedette de music hall sur le boulevard du crépuscule.

A l’issue d’une carrière sans faille de plus de quarante ans, Denise Scharley tirera sa révérence scénique en 1983 et décédera le 20 juillet 2011 à l’âge de 94 ans à Versailles.

 

LANCE

Ténor vedette de deux nations, classé en 1967 par Life magazine parmi les huit meilleurs ténors du monde, le ténor français d’origine australienne Albert Lance (de son vrai nom Lancelot, Albert, Ingram), était non seulement réputé pour la qualité et la richesse de sa voix mais aussi pour ses magistrales interprétations de grands rôles d’opéras français.

Né le 12 juillet 1925 à Adélaïde (Australie), sa carrière s’est étendue des années 1950 aux années 1970.

Gertrude Johnson , fondatrice du National Theatre de Melbourne, lui fait prendre des cours de chants et en 1950 il interprète le rôle de Mario Cavaradossi dans Tosca (en anglais).

A l’Opéra de Melbourne, il chante ensuite Rodolfo dans La Bohème et Pinkerton dans Madame Butterfly (tous les deux en anglais), puis en 1953 le rôle-titre des Contes d’Hoffmann.

Dominique Modesti, professeur de chant français, l’auditionne et l’invite à  quitter l’Australie pour s’installer à Paris où il est engagé en 1955 à l’Opéra-Comique, puis il entre dans la troupe de l’Opéra de Paris et prend alors le pseudonyme d’Albert Lance (dérivé de son nom véritable).

Il est alors un des tout premiers ténors de la troupe de l’Opéra de Paris où il chante très régulièrement les rôles-titres de Faust, des Contes d’Hoffmann, de Werther, et Mario Cavaradossi dans Tosca

Lors du gala de la Légion d’honneur en décembre 1958, il chante un extrait de Tosca avec Maria Callas et Tito Gobbi.

En novembre 1959, il chante Don José lors de la création de Carmen à l’Opéra de Paris, sous la direction de Roberto Benzi dans la mise en scène de Raymond Rouleau, avec Jane RhodesRobert   Massard et Andréa Guiot.

Attaché à la troupe de l’Opéra de Paris, il chante peu à l’étranger mais participe néanmoins  à des productions à Londres, Vienne, Moscou, Kiev, Riga, Philadelphie, San Francisco, Los Angeles, Buenos Aires et Rio de Janeiro.

En 1973, à l’arrivée de Rolf Liebermann, la troupe de l’Opéra de Paris est dissoute et Albert Lance rejoint alors la troupe de l’Opéra du Rhin à Strasbourg, jusqu’à sa retraite en 1977.

Il se consacre ensuite exclusivement à l’enseignement du chant, au conservatoire de Nice pendant dix-neuf ans, puis au conservatoire d’Antibes pendant onze ans, en compagnie de son épouse la mezzo-soprano Iris Parel.

Il crée à Colomars, village de l’arrière pays niçois où il réside, l’« Albert Lance Lyric Company », une association organisatrice de spectacles lyriques, qu’il dirige avec son épouse jusqu’à la fin de sa vie.

Albert Lance meurt à 87 ans le 15 mai 2013 à Bellecombe-en-Bauges (Savoie).

 

SARROCA

Au cours de sa longue carrière, la magnifique voix de mezzo-soprano de Suzanne Sarroca, a retenti sur les plus prestigieuses scènes d’opéra du monde, de New-York à la Scala de Milan, en passant par l’Amérique du Sud, sans oublier les grands théâtres européens et tout particulièrement français dont ceux de sa ville natale, le théâtre Jean-Alary et le grand théâtre de la Cité de Carcassonne.

Née à Carcassonne le 21 avril 1927, Suzanne Sarroca étudie le chant au conservatoire de Toulouse de 1946 à 1948, avant de débuter dans le rôle de Charlotte (Werther, Massenet) à Carcassonne, rôle qu’elle reprendra la même année au Capitole de Toulouse.

En 1951 elle chante Carmen à la Monnaie de Bruxelles et aborde ensuite les grands emplois de soprano lyrico-dramatiques.

En 1952, elle fait des débuts remarqués dans La Tosca de Puccini à l’Opéra de Paris où elle chante tant à Garnier qu’à l’Opéra-Comique : Rezia (Oberon, Weber), Senta (Der fliegende Holländer), Santuzza (Cavalleria Rusticana, Mascagni), le rôle-titre de Aïda de Verdi, Musetta (La Bohème, Puccini), Elisabeth (Don Carlo, Verdi).

Elle crée Numance d’Henry Barraud, interprète le rôle-titre de Louise de Charpentier, Blanche de la Force (Le Dialogue des Carmélites, Poulenc), Tatiana (Eugène Onegin, Tchaïkovski) et Octavian (Le Chevalier à la rose, Strauss), aux côtés de Régine Crespin ou d’Elisabeth Schwarzkopf.

Suzanne Sarroca déploie pendant plus de trente ans une activité dans les grands théâtres de province : Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Marseille (Donna Anna en 1956), Bordeaux et Nice (Tosca avec Franco Corelli en 1970).

Particulièrement recherchée à l’étranger pour ses incarnations de Tosca, d’Aïda et d’Elisabeth de Don Carlo, elle triomphe dans ces rôles à Buenos Aires, Bruxelles, Genève, Rome, Rio, Naples, Londres (Covent Garden en 1958-1959 et 1964-1965).

À partir des années 1980, elle abordera à nouveau certains rôles de mezzo notamment Mère Marie de l’Incarnation dans le Dialogues des Carmélites à Strasbourg en 1982.

Elle a été directrice de l’Atelier lyrique de l’Opéra du Rhin (1983-1985) et a enseigné le chant au Conservatoire du IXe arrondissement à Paris jusqu’en 1992.

Elle a enregistré des extraits de Cavalleria Rusticana (rôle de Santuzza) avec Alain Vanzo, Giulietta des Contes d’Hoffmann, Tosca en français avec Gustave Botiaux et Adrien Legros. Un autre enregistrement de ce rôle a été effectué avec José Luccioni.

 

DENS

Considéré par le corps médical comme un phénomène vocal en raison d’une oreille exceptionnelle, le baryton Michel Dens, possédait une voix infatigable qui lui a permis de mener une carrière d’une exceptionnelle longévité.

En soixante ans de carrière il a chanté deux cents rôles et donné dix mille représentations. Il se produisait encore en concert à 89 ans, quelques mois avant sa mort. Au-delà de ces performances, il a incarné ce que l’école française de chant avait de meilleur : clarté du timbre, émission naturelle, diction parfaite, style irréprochable, faculté de s’adapter aux répertoires les plus divers.

Michel Dens possédait une tessiture étendue qui allait du sol grave de la basse au si bémol du ténor ce qui lui permit d’aborder un large répertoire allant de l’opéra à l’opérette, en passant par la mélodie.

Né le 22 juin 1911 à Roubaix dans une famille de musiciens, il fait ses études musicales au conservatoire de sa ville natale et remporte un premier prix d’honneur en 1932. Sa carrière débute en 1934 à l’Opéra de Lille dans le rôle de Wagner du Faust de Gounod .  En 1947 il est engagé dans les troupes de l’Opéra-Comique et de l’Opéra de Paris.

En 1951 et 1952, il incarne Sou-Chong dans Le Pays du sourire de Franz Lehár pendant 235 représentations à la Gaîté-Lyrique, rôle qu’il chantera dans le monde entier plus de deux mille fois. En 1954, il incarne Ourrias au festival d’Aix-en-Provence dans la production légendaire de Mireille de Gounod sous la direction d’André Cluytens.

Ayant conservé intacts ses moyens vocaux pendant plus de 60 années de carrière, il chanta, notamment, le rôle de Rigoletto jusqu’à 75 ans et donna son dernier récital à Firminy (Loire) en septembre 2000, à l’âge de 89 ans. Dans les années 1970, en plus de ses activités de chanteur, il devient producteur de spectacles et présente à ce titre plusieurs centaines de représentations d’opéra et d’opérette en Province et en région parisienne.

De nombreux artistes de la génération qui lui a succédé ont fait leurs premiers pas sur scène dans la compagnie qu’il avait fondée.

Michel Dens est mort à 89 ans le 19 décembre 2000 à Paris.

MARTY

Par Guy DUMAZERT

La personnalité de Daniel MARTY dépasse de loin la carrière – même longue et féconde – d’un artiste lyrique d’exception.

En France et à l’étranger, il a défendu durant quelque trois décennies (1957-1989) le répertoire international, et en premier lieu français : Berlioz, Chabrier, Gounod, Massenet.

Son Figaro, du « Barbier de Séville » rossinien fut sans doute pour lui un cheval de bataille. Il l’interprète, avec succès, à la Télévision Française et sur toutes les grandes scènes françaises.

Il participe à de nombreuses tournées pour les Jeunesses Musicales de France; suit une série de concerts en Bulgarie. A partir de 1957 Il est engagé dans les principales villes de France ainsi qu’à La Monnaie de Bruxelles pour de triomphales séries d’Escamillo.

Sa technique et son style lui permettent de s’imposer comme un interprète racé du lied et de la mélodie française.

Au Conservatoire National de Paris, il avait d’ailleurs été l’élève du célèbre Charles Panzera.

Il y avait obtenu un premier prix de chant. Sa voix, très longue, ne fut pas seulement un don du ciel, mais surtout le résultat d’un travail incessant.

Son art du chant hors de pair le mit au premier rang, lui permettant non seulement de défendre un répertoire considérable, mais aussi de conserver intacte cette voix, même après le terme de sa carrière active.

D’ailleurs son activité continue de s’exercer dans de nombreuses directions : émissions de radio et de télévision, conférences, recherches musicologiques, éditions littéraires et graphiques. … une histoire illustrée du phonographe, particulièrement bien documentée et luxueuse.

A son actif aussi « Une dame nommée Wanda » (Landowska), articles sur Saint-Leu-la-Forêt, études et publications sur le phonographe, un coffret de grand luxe sur le fameux Opéra de Monte-Carlo.

En 1995 au centre Georges Pompidou, il participe à une exposition sur la Machine parlante.

Président-Fondateur de l’Association « les Amis de Wanda Landowska », ses études sur de grands chanteurs : Nelly Melba, Emma Calvé, Enrico Caruso, Francesco Tamagno, Jean de Reskzé, Chaliapine et Titta Ruffo font autorité.

Daniel MARTY est décédé le 2 juin 2015 à l’âge de 82 ans.

 TEZIER

Reconnu sur les scènes internationales comme l’un des plus grands barytons verdiens de sa génération, le baryton français Ludovic Tézier nait à Marseille le 10 septembre 1968 dans une famille mélomane.

Après ses débuts à Lucerne et à Lyon dans les rôles mozartiens et le répertoire belcantiste, Ludovic Tézier est invité sur les grandes scènes internationales (Metropolitan Opera de New York, Staatsoper de Vienne, Scala de Milan, Liceu de Barcelone, Capitole de Toulouse, Royal Opera House de Londres, Festival de Salzbourg, de Bregenz, de Glyndebourne, Chorégies d’Orange) où il chante les grands rôles du répertoire de baryton sous la direction de chefs d’orchestre tels que Sir John Eliot Gardiner, Evelino Pido, Myung-Whun Chung, Riccardo Muti.

Il a pour partenaires les plus grandes célébrités du moment : Roberto Alagna, Elina Garanca, Jonas Kaufmann, Sonya Yoncheva, Ramon Vargas, Ildar Abdrazkov

En 2020/2021, Ludovic Tézier fera en septembre une rentrée italienne dans trois opéras de Verdi : Macbeth à Parme, avant le Trouvère à Barcelone en octobre et d’Otello à Florence en novembre.

Il prendra ensuite le rôle d’Athanaël (Thaïs, Massenet) à Monte-Carlo pour entamer l’année 2021.

Il reviendra à l’Opéra de Paris en Amonasro (Aida, Verdi)  en février et Scarpia (Tosca, Puccini)en mai. Entre temps, il aura effectué sa prise du rôle d’Amfortas (Parsifal, Wagner)  à l’Opéra de Vienne en avril. Il retrouvera ensuite le Comte (Il Trovatore, Verdi) au Met en mai puis Rodrigo (Don Carlo, Verdi) à Zurich en juin et le Comte (Les Noces de Figaro, Mozart) à Munich en juillet.

 

DESSAY

Six fois consacrée aux Victoires de la Musique Classique, première artiste lyrique française à avoir été nommée Kammersängerin au Wierner Staatsoper, la soprano Natalie Dessay a décidé de mettre fin en 2013 à sa brillante et exceptionnelle carrière d’artiste lyrique.

Après avoir chanté les grands rôles du répertoire de colorature sur les plus prestigieuses scènes du monde, Natalie Dessay a entrepris avec succès une nouvelle carrière orientée vers le théâtre, le récital et la chanson.

Née à Lyon le 19 avril 1965, Natalie Dessay étudie le chant au Conservatoire de Bordeaux, d’où elle sort à 20 ans avec un premier prix, qui lui permet d’intègre le Chœur du Théâtre du Capitole de Toulouse.

A 24 ans elle est invitée par l’Opéra de Paris à rejoindre son école d’art lyrique où elle interprète l’Elisa du Re Pastore de Mozart. En 1992 elle est Olympia (Les Contes d’Hoffman, Offenbach), à l’opéra Bastille.

Après avoir remporté le premier prix du Concours Mozart, elle intègre la prestigieuse troupe de l’Opéra National de Vienne.

En 1994, elle modifie l’orthographe de son prénom en supprimant  la lettre « h », en hommage, dira-t-elle, à la star américaine Natalie Wood qui demeure l’inoubliable Maria du film West Side Story (1962).

Les scènes internationales lui ouvrent leurs portes et elle triomphe dans les grands rôles de soprano colorature comme Madame Herz (Der Schauspieldirektor, Mozart), Lakmé de Leo Delibes, Adèle (La Chauve-souris, Johan Strauss), ou encore Zerbinette (Ariane à Naxos, Richard Strauss), etc.

Après une opération des cordes vocales, elle change de répertoire et aborde, avec succès le rôle de Lucia di Lammermoor de Donizetti en 2001 à Lyon, un défi qu’elle s’était fixé une dizaine d’années auparavant.

Excellente comédienne, Natalie Dessay reçoit en mars 2008 à Londres le prestigieux « Laurence Olivier Award », pour son interprétation l’année précédente du rôle de Marie dans la Fille du Régiment de Donizetti au Covent Garden aux côtés de Juan Diego Florez.

Sa rencontre avec Michel Legrand va être à l’origine d’une tournée en Europe et en Amérique avec « Les Parapluies de Cherbourg », en production au Théâtre du Châtelet, ainsi que la parution de deux albums, Entre Elle et Lui (Erato) et Beetwen Yesterday and Tomorow (Sony).

Natalie Dessay est invitée par le Théâtre du Châtelet pour la comédie musicale « Passion de Sondheim » dans une mise en scène de Fanny Ardant, où elle interprète le rôle de Fosca.

Parallèlement, elle donne des récitals en duo avec le pianiste Philippe Cassard avec qui elle donne de très nombreux récitals à New York, Londres, Tokyo, Moscou, Paris… Ensemble ils enregistrent trois albums, Debussy (Erato), Fiançailles pour rire (Erato), Schubert (Sony).

Le Théâtre occupe désormais une part très importante de sa vie artistique. Elle fait ses débuts, salués par une critique élogieuse, dans « Und », un monologue d’Howard Barker, au Théâtre Olympia à Tours, repris dans plusieurs villes françaises ainsi qu’au Théâtre des Abbesses, à l’Athénée et au Dejazet à Paris.

En juillet 2018, elle est l’hôte du Festival d’Avignon, pour « Certaines n’avaient jamais vu la Mer » dans une adaptation et mise scène du roman de Julie Otsuka par Richard Brunel, et joue dans la pièce de Stefan Zweig « La Légende d’une Vie » au Théâtre Montparnasse et dans de très nombreux théâtres français.

Elle a signé deux nouveaux albums, l’un de reprises de chansons de Michel Legrand et l’autre, intitulé « Rio Paris », en collaboration avec Hélèna Noguerra, Agnès Jaoui et Cohen Liat.

La plus célèbre soprano française du moment a aussi animé sur Franceinter, une émission de radio destinée à faire découvrir et aimer la musique classique et l’opéra.

 

LAFONT

Alors qu’il s’apprêtait à regagner la scène pour chanter pour la première fois le rôle du Sacristain (Tosca, Puccini) à l’Opéra Bastille le 14 septembre 2016,  le baryton-basse toulousain Jean-Philippe Lafont, considéré dans le monde entier comme l’un des plus éminents interprètes du grand opéra, a fait une terrible chute dans les escaliers du célèbre théâtre, qui l’a contraint à mettre fin à sa longue et magnifique carrière de chanteur lyrique.

Né à Toulouse le 11 février 1951dans une famille modeste, Jean-Philippe Lafont n’avait jamais imaginé lorsqu’il était adolescent, faire une carrière de chanteur lyrique tant il était passionné par le rugby.

Néanmoins, le jeune homme est doué d’une belle voix naturelle qui attire immanquablement l’attention de tous ceux qui l’entendent. A la suite d’une audition, il est invité à monter à Paris pour suivre une formation à l’Opéra-Studio où sont enseignés la diction, le chant, l’interprétation et le théâtre. Denise Dupleix, constatant qu’il avait une voix aux qualités exceptionnelle, va le prendre en mains et lui faire découvrir et aimer l’opéra,

Jean-Philippe Lafont fait ses débuts sur scène un an plus tard, le 18 juillet 1974, au festival d’Avignon, puis  salle Favart, dans le rôle de Papageno (la Flûte enchantée, Mozart).

Sa carrière va se poursuivre et se développer, avec un immense succès, sur toutes les grandes scènes nationales : Garnier, Bastille, Champs-Élysées, Le Châtelet, le Capitole de Toulouse, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nice… et les plus prestigieuses du monde : la Scala, le Metropolitan Opera et Carnegie Hall à New York, La Monnaie de Bruxelles, le Liceo de Barcelone, Rome, Chicago, Madrid, Amsterdam, Vienne, Florence, Berlin… L’été, il chante dans les festivals les plus réputés : Salzbourg, Aix, Orange, Vérone, Montpellier,

Il sera l’un des rares chanteurs Français, avec Louise Grandjean,  Charles DalmorèsMarcelle BunletGermaine LubinErnest Blanc

et Régine Crespin, à chanter au mythique festival de Bayreuth où il interprète le Telramund (Lohengrin, Wagner).

Interprète majeur du grand répertoire de baryton : Nabucco, Macbeth, Rigoletto, Lago d’Otello (Verdi), Falstaff (Verdi), Guillaume Tell (Rossini), Leporello (Don Giovanni, Mozart), Scarpia (Tosca), Jack Rance (La Fanciulla del West) ou encore Gianni Schicchi (Puccini), Barnaba (La Gioconda, Ponchielli), Golaud (Pelléas et Mélisande, Debussy), Méphistophélès dans La Damnation de Faust de Berlioz, Sancho (Don Quichotte, Massenet), les Quatre Diables (Les Contes d’Hoffmann, Offenbach), Hamilcar dans le rare Salammbô de Reyer…

Jean-Philippe Lafont s’imposera aussi dans Lohengrin au Festival de Bayreuth, dans les rôles germaniques tels qu’Amfortas (Parsifal), Telramund (Lohengrin), le Hollandais (Le Vaisseau Fantôme) côté wagnérien, mais aussi Strauss avec Lokanaan (Salomé), Oreste (Elektra) et Barak (La Femme sans Ombre) ainsi qu’Alban Berg (rôle titre de Wozzeck).

Avant d’être obligé d’arrêter sa carrière, il avait décidé de se concentrer sur les rôles qui correspondent le mieux à sa personnalité et à la plénitude de sa voix : Wozzeck, Die Frau Ohne Schatten, Salomé, Lohengrin, Falstaff, Macbeth, Rigoletto, Tosca, Otello, Il Tabarro, Gianni Schicchi, Pelléas et Mélisande, Samson et Dalila, Don Quichotte

Jean-Philippe Lafont a été fait Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’Ordre national du Mérite et Officier des Arts et des Lettres.

Toujours actif malgré les douloureuses séquelles de la chute qui a failli lui coûter la vie, comme ce fut malheureusement le cas du ténor allemand Fritz Wunderlich, mort à  35 ans, et de l’acteur américain de cinéma, Jeff Chandler, mort à 43 ans, tous deux victimes d’une chute d’escaliers, Jean-Philippe Lafont a entrepris une reconversion en tant que coach vocal.

Lors de la campagne présidentielle de 2017, il a notamment donné des conseils pratiques au futur Président de la République Emmanuel Macron, pour utiliser et protéger sa voix.

La même année il a rejoint l’agence de Bettina Brentano « Adagio Artist », à laquelle il apporte sa riche expérience artistique pour découvrir de nouveaux talents.

Il est l’auteur d’un album original intitulé « La Grande Guerre en Marseillaises » et d’un livre intitulé « Avec voix et éloquence » édité chez Larousse.

Ses interviews sur YouTube et ses courtes présentations dans la série « Voix et éloquence » : le souffle, pensons les mots, du parler au chanter, la tessiture, le legato… , sont particulièrement intéressantes.

 

DESHAYES

Deux fois primée aux Victoires de la musique classique, la mezzo-soprano Karine Deshayes est considérée comme une des grandes figures de l’art lyrique français.

Née le 25 janvier 1972, titulaire d’un diplôme de Musicologie obtenu à la Sorbonne, elle  entreprend des études de chant lyrique au Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris avec la soprano Mireille Alcantara. Au cours de sa formation, elle suit notamment les masters-classes de la grande soprano dramatique Régine Crespin.

Karine Deshayes intègre la troupe de l’Opéra de Lyon en 1998. Elle y chante notamment les rôles de Cherubin (Les Noces de Figaro, Mozart), de Stéphano (Roméo et Juliette, Gounod) et surtout de Rosina (Le Barbier de Séville, Rossini). À la même période, elle prend également le rôle d’Elena (La Dame du lac, Rossini) au Festival de Radio-France à Montpellier.

En 2002, elle reçoit le Premier prix du concours « Voix Nouvelles ».

Le petit rôle du Marmiton dans Rusalka de Dvorak lui permet de faire ses premiers pas à l’Opéra de Paris.

Elle chante la Deuxième Dame (La Flûte enchantée, Mozart) à Toulouse, Mercédès (Carmen, Bizet) à Orange, Irène (Tamerlano, Haendel) au Théâtre des Champs-Elysées ou encore Boulotte (Barbe-Bleue, Offenbach) à Avignon.

Progressivement, elle prend des rôles plus importants comme celui d’Angelina (La Cenerentola, Rossini) à Bordeaux en 2004, ainsi que le rôle-titre féminin de Béatrice (Béatrice et Bénédict, Berlioz) à Strasbourg en 2005. Elle reprendra ses deux grands rôles rossiniens, Rosina et Elena, lors de la saison 2009-2010 à l’Opéra de Paris, et de nombreuses fois par la suite.

Au cours de sa carrière, Karine Deshayes est amenée à incarner un certain nombre de grandes figures féminines de l’histoire de l’opéra, Dorabella (Così fan tutte, Mozart), Charlotte (Werther, Massenet), Isolier (Le Comte Ory, Rossini), mais aussi Irène (Le Tamerlano, Haendel), jusqu’au rôle-titre de Carmen dans une production de l’Opéra de Paris en 2012.

Sa notoriété grandissante, l’amène à participer pour la première fois au Festival de Salzbourg en Deuxième Dame (La Flûte enchantée, Mozart) et elle fait des débuts remarqués en 2006 au Metropolitan Opera de New-York dans le rôle de Siebel dans le Faust de Gounod.

Elle est régulièrement invitée par l’Opéra de Paris pour interpréter des rôles majeurs du répertoire de mezzo.

Ses engagements l’amènent à chanter sur pratiquement toutes les scènes de province: Marseille, Toulouse, Montpellier, Toulon, Avignon, Orange, Nice, Lyon, Vienne, Caen, Saint-Etienne, Versailles… les scènes européennes et américaines: Teatro Real de Madrid, Opéra de San Francisco, Met de New York, Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, Liège…

Marraine de « Tous à l’Opéra ! », Karine Deshayes a ouvert cette saison avec la sortie de deux nouveaux albums. L’un avec Delphine Haidan « Deux mezzos sinon rien », l’autre avec « Alexandre Dumas et la musique », accompagnée de jeunes talents lyriques.

Dans le cadre de la Journée Mondiale de l’Opéra (World Opera Day), une initiative portée par Opera Europa, Opera America et Ópera Latinoamérica, avec le soutien de l’Unesco, Karine Deshayes, marraine de la manifestation française, a proposé, le dimanche 25 octobre 2020 à l’Opéra Comique, en présence de Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture, deux master-classes avec de jeunes chanteurs du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

 

FUCHS

Lauréate de nombreux prix prestigieux dont le deuxième prix au Concours Plácido Domingo Operalia et deux Victoires de la musique classique, la très talentueuse soprano Julie Fuchs s’est imposée avec brio parmi les chanteuses lyriques françaises les plus douées et les plus aimées de sa génération.

Née à Meaux le 24 juillet 1984, Julie Fuchs grandit à Avignon où elle suit une formation musicale complète au conservatoire de la ville.

En 2006, elle entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris où elle fait ses premières prises de rôles avec Elle (L’Amour Masqué, Messager) et Susanna (Le Nozze di Figaro, Mozart), et obtient en 2010, à  l’unanimité et avec les félicitations du jury, le premier prix de chant.

Ses études terminées, Julie Fuchs fait ses débuts au Festival d’Aix-en-Provence dans le rôle de Galatea (Haendel).

En 2013, elle intègre pour deux ans la troupe de l’Opéra de Zurich où elle interprète Marzelline (Fidelio, Bethoven),  Morgana (Alcina, Haendel), Susanna (Le Nozze di Figaro, Mozart), Angelica (Orlando, Haendel), Comtesse Folleville (Il viaggio a Reims, Rossini).

Cette même année, elle fait ses débuts à l’Opéra de Paris dans le rôle de la Folie (Platée, Rameau), et dans le répertoire rossinien avec le rôle de la Comtesse Folleville à l’Opéra de Zurich. Elle se produit sous la Tour Eiffel lors du « Concert de Paris » donné le 14 juillet 2015.

Elle débute au Festival de Salzbourg dans son répertoire de prédilection avec la Messe en Ut de Mozart.

En 2016, elle chante Musetta (La Bohème, Puccini)) au Bayerische Staatsoper de Munich, et se produit en concert aux BBC Proms avec le BBC Symphony Orchestra, ainsi qu’aux Chorégies d’Orange.

La même année elle fait ses débuts au Staatsoper de Vienne où elle triomphe dans le rôle-titre de La Fille du régiment (Donizetti).

En 2017, Julie Fuchs crée le rôle d’Esther pour la création de Trompe-la-mort de Luca Francesconi à l’Opéra de Paris. Elle est également Leila dans Les Pêcheurs de perles de Bizet à l’Auditorium du Nouveau Siècle de Lille et au Théâtre des Champs-Élysées, ainsi que Zerlina dans Don Giovanni au Festival d’Aix-en-Provence.

A nouveau invitée de l’Opéra de Paris où elle chante Nanetta (Falstaff, Verdi), et fait ses débuts au Teatro Real de Madrid dans le redoutable rôle de Giunia (Lucio Silla, Mozart), Zerlina (Don Giovanni) au Festival d’Aix-en-Provence, Esther (Trompe-la-Mort de Luca Francesconi), la Folie (Platée), Emilie et Fatime (Les Indes galantes) à l’Opéra national de Paris, Musetta (La Bohème) au Bayerische Staatsoper de Munich, Fiorilla (Le Turc en Italie), la Comtesse de Folleville (Le Voyage à Reims) et le rôle-titre du Couronnement de Poppée à l’Opéra de Zurich.

Qui ne se souvient pas de son émouvante interprétation de l’Ave Maria de Schubert en présence de dizaines de milliers de personnes réunies Place de la Madeleine à Paris, le 9 décembre 2017, pour rendre un hommage solennel à Johnny Hallyday. Lors de ces funérailles quasi-nationales, retransmises en direct à la télévision, Julie Fuchs était accompagnée par le violoncelliste Gautier Capuçon et le pianiste Yvan Cassar.

En 2019, la crise sanitaire a malheureusement bousculé l’agenda de cette merveilleuse artiste qui devait débuter à l’Opéra d’Etat de Vienne en Despina (Cosi fan tutte, Mozart)  et prendre le rôle d’Adina (L’Élixir d’amour, Donizetti).

 

CHAUVET

Guy Chauvet fut le seul ténor français à pouvoir se prévaloir d’avoir chanté le rôle de Radamès (Aïda, Verdi) à Vérone, ce qu’il fit en août 1971, en alternance avec Carlo Bergonzi, lors de la célébration du centième anniversaire de la création de cette scène mythique.

Doté d’une voix puissante de heldentenor, il fut aussi le seul ténor à couvrir trois octaves, du contre  aigu de poitrine jusqu’au contre  grave de la basse profonde.

Né à Montluçon le 2 octobre 1933, Guy Chauvet dit avoir eu la révélation de sa voix à l’âge de seize ans lors d’un radio-crochet. Il entre au Conservatoire municipal et s’inscrit à tous les concours de chant qu’il remporte.

Benjamin du concours des ténors organisé à Cannes en 1954 il fut l’un des cinq lauréats, avec Alain VanzoTony Poncet, Roger Gardes et Gustave Botiaux. En 1955, il remporte le concours international de chant de Toulouse et en 1958 celui des Voix d’Or à Luchon.

De pareils résultats incitèrent l’Opéra de Paris à l’engager. Mais ce fut avec la résolution de le ménager, de l’instruire et de cultiver avec soin son évolution. Aussi en fit-on d’abord un artiste-élève, puis un second plan, ensuite un second-premier et enfin, trois ans plus tard, un premier ténor.

Après avoir chanté des troisièmes rôles dans Aïda auprès de Renata Tebaldi et de Rita Gorr ou encore dans Samson et Dalila aux côtés de Mario Del Monaco, il devient à 26 ans le plus jeune premier ténor de l’Opéra de Paris et fait ses débuts au Palais Garnier dans un homme d’arme (La Flûte enchantée, Mozart) le 12 janvier 1959.

En septembre 1959 il remporte un vif succès dans le rôle de Faust (La Damnation de Faust, Berlioz). Régine Crespin l’impose en Énée dans Les Troyens de Berlioz puis il chante Arturo avec Joan Sutherland en Lucie de Lammermoor.

Il triomphe en interprétant Florestan tout en assurant une création mondiale à Monte-Carlo.

Il a chanté avec Régine CrespinFiorenza Cossotto (Samson et Dalila), Gabriel Bacquier et Jon Vickers.

Un jour il remporta un franc succès sous les traits du personnage pâlot d’Arturo (Lucia di Lammermoor, Donizetti). Cela le lança et il parut dans Don Carlo, Faust, Tosca, Carmen. Iphigénie en Tauride, Boris Godounov, Antigone… A la reprise des Troyens en 1961, c’est à lui que fut attribué le rôle écrasant d’Enée.

A la salle Favart, il obtint un triomphe en incarnant Paillasse (Canio). Quand Turandot fut à nouveau affiché au Palais Garnier en 1972, Guy Chauvet incarna le Prince Calaf. Le public l’acclama. Il avait atteint la plénitude de ses moyens et se trouvait consacré comme l’un des ténors de tête de l’école française. Encore à Garnier, Samson en 1975.

Cependant c’est à l’étranger et en province que ce helden ténor fait retentir désormais son timbre exceptionnellement puissant (et sa mezza-voce). Il chante dans le monde entier : Milan, Naples, Florence, Vérone, Berlin, Hambourg, Francfort, Munich, Düsseldorf, Mannheim, Bruxelles, Amsterdam, Londres, Vienne, New York, Buenos-Aires, Monte-carlo, Osaka, l’invitèrent tour à tour.

Après une brillante représentation de Samson et Dalila au Met, il est choisi pour remplacer, en cas de défaillance, Plácido Domingo lorsqu’il chante son premier Otello à Paris.

En 1977, il participa à la création du Prophète de Meyerbeer aux côtés de Marilyn Horne au Metropolitan. Guy Chauvet se spécialisera dans les rôles tels que Faust de la DamnationSamsonPaillasseRadamès,

Otello,  Enée, Sigmund, Lohengrin, dans le monde entier.

Il ajouta à son répertoire Hérodiade, Orphée, l’Enfance du Christ, Louise, Le Prophète, Aïda, Lohengrin, La Walkyrie, Parsifal, Otello. Il revint une fois au Palais Garnier en 1980 pour créer Jenufa.

Il fut aussi le défenseur d’opéras peu connus comme Les Abencérages de Cherubini.

Guy Chauvet meurt à 74 ans le 25 mars 2007

 

SOUZAY

Le baryton français Gérard Souzay, né le 8 décembre 1918 à Angers, a réalisé une grande carrière internationale pour ses interprétations des rôles de Mozart (Don Juan), Debussy (Pelléas et Mélisande) ; fameux aussi dans le rôle de Golleau et des grands compositeurs français, Bizet, Gounod, Massenet, Ambroise Thomas.

Sa prédilection était l’opéra baroque des 17ème et 18ème siècles avec Lulli, Rameau, Haendel, Monteverdi, Glück…

Ses récitals étaient célèbres dans le monde entier, par la beauté de la voix et la délicatesse de l’interprétation.

Considéré comme le Dietrich Fischer-Dieskau à la française, il fut l’un des meilleurs interprètes de mélodies depuis Charles Panzéra et Pierre Bernac.

Il donne ses premières représentations publiques en 1945 : des récitals et des concerts dont le Requiem de Fauré à l’occasion du centenaire du compositeur, au Royal Albert Hall à Londres.

Gérard Souzay acquiert rapidement une renommée internationale pour le récital.

En 1954 Il s’associe avec le pianiste américain Dalton Baldwin, une collaboration qui perdurera jusqu’à la fin de sa carrière.

Sa grande facilité pour la pratique des langues étrangères lui permettent de chanter dans 13 langues, dont le Portugais, l’Hébreu et le Russe

Gérard Souzay fait ses adieux à la scène à la fin des années 1980 et consacre les dernières années de sa vie à enseigner aux États-Unis, en Europe et au Japon.

Sa discographie complète, publiée en 1991, comptait  750 titres.

Il meurt à Antibes le 17 août 2004 à l’âge 86 ans.

 

MICHEL

 De son vrai nom Solange Boulesteix, la mezzo-soprano Solange Michel, née à Paris le 27 novembre 1912, fut une des plus grandes interprètes du rôle-titre de Carmen de Georges Bizet dans la France de l’après-guerre.

Associée au grand répertoire de l’opéra français, Solange Michel se produisit en concert, en récital, et surtout à l’opéra, des années 1930 jusqu’aux années 1970.

Elève de Thomas-Salignac et d’André Gresse au Conservatoire de Paris, elle se fit d’abord entendre à la radio lors de concerts en 1936, avant de débuter sur scène en 1942, dans le rôle de Charlotte de Werther.

En 1945, elle prend le nom de Solange Michel et entre dans la troupe de l’Opéra-Comique où elle débute dans Mignon. Peu après, elle est invitée par l’Opéra de Paris, et s’impose rapidement comme la première mezzo de son époque.

Son interprétation de Carmen est aujourd’hui toujours considérée comme un grand classique. Parmi ses autres rôles marquants, citons Charlotte, Dalila dans Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, Geneviève dans Pelléas et Mélisande de Debussy, Marguerite dans La Damnation de Faust de Berlioz, le rôle-titre dans l’Orphée de Gluck.

Elle fit aussi quelques créations, comme Le dernier sauvage de Gian Carlo Menotti en 1963. Au niveau international, elle fut invitée par les maisons d’opéra les plus prestigieuses : le Covent Garden de Londres, la Scala de Milan, le Teatro San Carlo de Naples, le Liceu de Barcelone, ou le Teatro Colón de Buenos Aires, mais aussi à Amsterdam, Bruxelles, Madrid, Lisbonne, etc.

Elle se produisit pour la dernière fois en récital à Besançon en 1978.

Elle a participé à de nombreux enregistrements dont le célèbre album de Carmen, aux côtés de Raoul Jobin, et de Faust de Gounod, dans le rôle de dame Marthe, deux enregistrements dirigés par André Cluytens.

Solange Michel est décédée à l’âge de 98 ans le 15 décembre 2010.

PONCET

Réputé pour la puissance de sa voix aux aigus ahurissants, Tony Poncet, s’est imposé dans les grands rôles de ténor héroïque des répertoires français et italiens.

D’origine espagnole, Tony Poncet nait le 23 décembre 1918 à Maria, près d’Almería en Espagne, sous le nom de Antonio, José, Ponce Miròn.

Le jeune Antonio, José s’installe avec sa famille à Bagnères-de-Bigorre en 1922, prend le nom d’Antoine Poncé qu’il modifiera ultérieurement en Tony Poncet lorsqu’il prendra la nationalité française.

Il étudie le chant au Conservatoire de Paris en 1947 et fait ses débuts en concert à Lyon en 1953. En Avignon il chante les rôles de Turridu dans Cavalleria rusticana et Canio dans Paillasse.

En 1954, il gagne le premier prix à un concours de ténors à Cannes, puis part en tournée aux États-Unis, au Mexique et au Canada.

À son retour, il connait ses premiers grands succès en Belgique, notamment à GandLiège et Bruxelles. Il fait ses débuts à l’Opéra et l’Opéra-Comique de Paris, où il s’impose en 1958 dans les rôles de ténor héroïque tels Arnold dans Guillaume Tell, qu’il chanta près de 90 fois, Éléazar dans La Juive, Raoul dans Les Huguenots, Fernand dans La Favorite, Vasco de Gama dans L’Africaine, Don José dans Carmen, Jean dans Hérodiade.

Il chante aussi le répertoire italien, Il trovatoreAidaToscaCavalleria rusticana, et surtout Canio dans Pagliacci, qu’il chanta environ 200 fois.

A la télévision française on a pu le voir dans une version d’Angélique de Jacques Ibert, et au cinéma dans La Pendule à Salomon de Vicky Ivernel en 1961.

Il se produit dans un très grand nombre de concerts et de récitals. Ses activités l’amènent à chanter dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis où il est invité à chanter Les Huguenots au Carnegie Hall en 1969, aux côtés de Beverly Sills.

On peut également noter qu’à l’occasion de ces spectacles, il enrichit son répertoire d’airs qui n’y figuraient pas auparavant, comme par exemple La Force du destin de Verdi, ainsi qu’en témoignent quelques enregistrements en direct datant de cette période.

En 1971, sa santé, devenue précaire, le contraint à abandonner progressivement le théâtre. Sa dernière apparition à l’opéra a lieu à Toulouse en 1974. Mais il continue néanmoins à se produire en concert, pratiquement jusqu’à la fin de ses jours.

Il meurt d’un cancer à Libourne (Aquitaine) le 13 novembre 1979, à l’âge de 60 ans.

Une stèle et une promenade en bord de fleuve commémorent sa mémoire dans la ville de Bagnères-de-Bigorre où il passa son adolescence.

À chaque date anniversaire, est organisée à Saint-Aigulin, village charentais où repose le ténor, une évocation réalisée à partir de documents audiovisuels.

En reconnaissance de son attitude héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale, il reçut un grand nombre de médailles : la croix de guerre, la médaille militaire, la croix du combattant de l’Europe, la croix du combattant volontaire, la médaille des engagés volontaires, la médaille des blessés de guerre, la médaille commémorative de la guerre 39/45 ainsi que de la médaille présidentielle de la Liberté.

Il était aussi, à titre artistique, chevalier de la Légion d’honneur et des Arts et lettres.

En 2009, pour la commémoration des 30 ans de la disparition de l’artiste, une exposition fut organisée dans la ville de Vauvert et une biographie a été éditée.

Sa fille, Mathilde Poncé, a écrit une biographie au propos de son père intitulée Tony Poncet: Ténor de l’Opéra.

 PETIBON

Artiste éclectique, la soprano colorature Patricia Petibon se fait connaître dans le répertoire de la musique baroque française avant d’aborder le répertoire classique avec Mozart et le répertoire moderne avec Francis Poulenc.

Très à l’aise dans les rôles d’amoureuse, d’ingénue perverse, de bergère ou de jeune femme excentrique, elle aborde en 2010 l’un des rôles les plus complexes de l’opéra du XXème siècle, sombre et tragique, aux antipodes de son registre habituel, celui de Lulu d’Alban Berg.

Née à Montargis (Loiret) le 27 février 1970, Patricia Petibon entreprend l’étude du piano, puis du chant, sa passion, d’abord au Conservatoire de Tours, puis à Paris où elle prépare une licence de musicologie au Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSM).

Sortie diplômée du CNSM en 1995 avec un Premier prix, son talent est remarqué par William Christie des Arts Florissants, qui la fait débuter avec lui, la même année, à la Scala dans une version concertante de La Descente d’Orphée aux enfers de Marc-Antoine Charpentier.

Au Palais Garnier elle débute en 1996 dans Hippolyte et Aricie de Rameau. En 1999 elle chante également l’Amour dans une mise en scène par Robert Carsen d’Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction de John Eliot Gardiner au Théâtre du Châtelet.

En 2000, après Les Indes Galantes de Rameau à l’Opéra de Paris, elle chante Olympia dans Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach à l’Opéra d’État de Vienne et au Grand Théâtre de Genève.

Patricia Petibon fait ses débuts au Festival de Salzbourg en 2001 dans Ariodante de Haendel en Dalinda. Elle chante également Sœur Constance dans les Dialogues des Carmélites de Poulenc à l’Opéra de Paris en 2004, puis Sophie dans Le Chevalier à la rose de Strauss deux ans plus tard à l’Opéra d’État de Vienne.

En mars 2008, elle interprète Camille dans Zampa de Hérold à l’Opéra-Comique. Elle anime en juillet 2012 l’émission musicale Berlingot sur France 2.

En 2009 elle est Despina dans Cosi fan tutte de Mozart au Festival de Salzbourg et son album « Amoureuses » reçoit de la « BBC Music Magazine Award » le prix du meilleur album d’opéra de l’année.

En 2010, Olivier Py lui offre le rôle de la Lulu de Berg à Genève, Salzbourg et au Liceu de Barcelone. En 2011, elle chante cette fois le rôle de Blanche dans les Dialogues des Carmélites au Théâtre de la Vienne, ainsi qu’Aspasie dans Mithridate de Mozart au Festival de Munich.

En 2012, elle fait ses débuts au Festival d’Aix-en-Provence dans Les Noces de Figaro de Mozart, où elle chante Susanna, et incarne Gilda dans Rigoletto à l’Opéra d’État de Berlin.

Elle reprend le rôle de Blanche dans une autre mise en scène d’Olivier Py en 2013, à l’Opéra de Lyon puis au Théâtre des Champs-Elysées.

En mars 2014, elle participe à la création à Bruxelles de Au monde, opéra de Philippe Boesmans. En juillet de la même année, elle interprète le rôle de Ginevra dans une nouvelle production du dramma per musica de Georg Friedrich Haendel Ariodante au festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence.

La même année, elle est également Manon de Massenet à l’Opéra d’État de Vienne et elle crée le rôle de la Seconde fille dans Au monde de Boesmans à La Monnaie.

En 2015, elle fait sa troisième apparition à Aix en Alcina, dans l’opéra éponyme de Haendel.

En 2017, le Théâtre des Champs Elysées lui offre sa prise du rôle-titre féminin de Pelléas et Mélisande de Debussy. Elle chante également Giunia dans Lucio Silla de Mozart au Théâtre royal de Madrid.

En 2018, elle retrouve Orphée et Eurydice au Théâtre des Champs Elysées et à Versailles, cette fois dans le rôle-titre féminin. Elle prend le rôle-titre de La Traviata à Malmö.

En 2019, elle retrouve les Contes d’Hoffmann à La Monnaie, mais chante cette fois les quatre héroïnes.

Patricia a enregistré des œuvres de LullyCharpentierRameauLandi,

CouperinHaendelGluckMozartHaydnCoplandCaldaraBernsteinBarberDebussyMéhulJommelliOffenbachDelibesPoulencNicolas Racot de Grandval et de Bacri.

En 2016, l’astéroïde (348383) est nommé Petibon.

Depuis le samedi 18 février 2020, le conservatoire de musique, de danse et de théâtre de Montargis porte le nom Patricia PETIBON.

 

DOSIA

 Par Daniel HEMMER

Elen DOSIA, née Odette, Hélène, Theodosia  Zygomala, a vu le jour à Constantinople le 13 octobre 1913.

Arrivée avec sa mère à Paris vers l’âge de cinq ans, elle y effectuera toute sa scolarité avant de décider de rentrer en Grèce pour suivre des études musicales complètes auprès de l’un des Conservatoires d’Athènes dont elle sortira diplômée en juin 1932.

Dotée d’un 1er prix de chant – mention excellent – elle retourne alors à Paris, ayant en main une lettre de recommandation pour Gustave Charpentier, le compositeur de Louise. Elle passe rapidement une audition devant lui. Touché par la qualité de sa voix, il lui promet un brillant avenir en lui indiquant toutefois qu’un passage par le Conservatoire national de musique de Paris est indispensable dans la mesure où elle est d’origine étrangère. Il intervient pour qu’elle soit admise dans la classe de Madame Cesbron-Viseur et lui prédit qu’elle n’y restera pas longtemps.

En effet, dès la fin de la première année elle obtient en juin 1934 un second prix. Dans le journal Cœmedia le compositeur Paul Le Flem qualifiait alors Elen Dosia d’héroïne du concours et de future étoile lyrique. Au terme de sa seconde année d’études, en juin 1935 elle sort du conservatoire avec ses trois premiers prix de chant, d’opéra et d’opéra-comique. Les Directeurs de ces deux institutions lui proposent alors un contrat et sagement Elen DOSIA choisit l’Opéra-comique dont la salle plus petite lui paraissait mieux convenir à une artiste débutante.

Elle fera donc à 22 ans ses premiers pas sur scène le 28 novembre 1935 et obtiendra beaucoup de succès au terme de cette représentation de la Tosca auprès de Giuseppe Lugo. Elle gardera toute sa vie le souvenir ému de ce grand partenaire bien qu’elle ait eu par la suite  l’opportunité de chanter avec d’autres grands ténors parmi lesquels Kiepura, Lauri-Volpi, Bjorling, Peerce, Martinelli, Luccioni … sans oublier bien évidemment André Burdino qu’elle épousera en 1936.

Outre la France, il  lui ouvrira rapidement les portes d’une carrière internationale au cours de laquelle elle aura l’occasion de se produire sur scène, en concert ou en récital  notamment en  Belgique, Suisse, Tchécoslovaquie, Grèce, Turquie, Maroc, Tunisie, Etats-Unis et Canada.

Elle refusera la proposition qui lui avait été faite par Sir Thomas Beecham de chanter Marina dans Boris Godounov, ce qui lui fermera ainsi à tout jamais les portes du Royal Opera House de Covent Garden, alors qu’André Burdino y chantera pour sa part jusqu’en 1955.

A l’Opéra-comique outre la Tosca, elle sera à l’affiche dans la Bohème, Pelléas et Mélisande, la Traviata, Manon, les contes d’Hoffmann (Antonia), Grisélidis, le Bon roi Dagobert, Amphytrion 38 et l’Heure Espagnole.

En 1937, 1938 et 1939 elle participera avec son époux aux saisons françaises à l’Opéra de Chicago, de San Francisco et de Los Angeles  (Tosca, Manon, Roméo et Juliette, Faust, Traviata, les Contes d’Hoffmann …) et assurera une importante série de récitals dans diverses villes des Etats-Unis et du Canada.

Elen Dosia dans le rôle de Manon

Elle retiendra l’attention et l’admiration de la grande Mary Garden qui l’entendra durant ses représentations de Chicago et décidera alors de lui offrir les bijoux qu’elle-même avait portés en scène.

Jacques Rouché, Directeur de l’Opéra de Paris, ne la fera débuter au palais Garnier que le 29 avril 1939 dans la Chartreuse de Parme d’Henri Sauguet. Elle sera affichée par la suite dans Roméo et Juliette, Thaïs, le Roi d’Ys, Marouf, Faust, Hérodiade, Othello et chantera en 1942 à l’occasion d’un gala Massenet le second acte d’Esclarmonde.

Début 1941 elle a participé au théâtre du Châtelet à un gala Franz Lehár, sous la direction du compositeur.

Après un projet avorté de film aux côtés de Georges Thill, Elen DOSIA participera en 1942 au film « l’Ange Gardien » de Jacques de Casembroot.

Elle divorcera d’André Burdino en 1943.

Courant 1947 après avoir assuré une tournée de récitals en Turquie et chanté en mars une représentation de Manon à l’Opéra d’Athènes, elle retournera seule aux Etats-Unis pour une série de concerts notamment à la radio et faire ses débuts au Metropolitan Opéra de New-York dans la Tosca le 15 novembre 1947 auprès du ténor Jan Peerce. Lors de la seconde représentation elle aura à ses côtés le grand baryton Lawrence Tibbett dans le rôle du Baron Scarpia.

Le 9 décembre 1947 elle assurera une représentation de Manon à l’Opéra de Philadelphie aux côtés notamment de Charles Kullman et de Martial Singher, sous la direction de Louis Fourestier.

Pendant longtemps, Elen DOSIA a été l’une des très rares, voire même la seule cantatrice française à être invitée régulièrement aux Etats-Unis, en dehors bien évidemment de Lily Pons dont elle était devenue amie et qui jouissait outre-Atlantique d’un statut très particulier.

Elle s’y rendra de nouveau courant 1948 pour divers concerts et sera à l’affiche du Met en février 1949 pour deux représentations de Pelléas et Mélisande aux côtés de Jacques Jansen et de John Browlee. Elle aura également l’occasion de participer à un concert radiodiffusé sous la direction d’Arturo Toscanini.

Par ailleurs ayant  effectué un essai pour Hollywood, Elen DOSIA retournera aux Etats-Unis en 1950 pour tourner dans le film de la Twentieth Century Fox  « OF MEN AND MUSIC », documentaire musical présentant le portrait de quatre musiciens Arthur Rubinstein, Jascha Heifetz, Dimitri Mitropoulos. Elle sera le quatrième artiste pour la version de ce film destinée à la France, qui sortira en 1951 sous le titre «  Enchantement musical ».

Elle y interprète le grand air de Salomé extrait d’Hérodiade de Massenet et le brindisi de la Traviata de Verdi aux côtés du ténor Eugene Conley. Pour la petite histoire dans cette scène les studios de la Fox lui confieront l’une des robes portées par Bette Davis dans le film « Eve ».  Dans les autres pays cette séquence sera remplacée par un portrait consacré à Nadine Conner et Jan Peerce. Il n’est donc plus possible aujourd’hui de visionner le film « Enchantement musical » seul document permettant de découvrir Elen Dosia en scène. J’ai eu la chance de voir il y a une trentaine d’année la copie détenue par les services de la Fox à Paris. Qu’est-elle devenue aujourd’hui et pourquoi ne peut-elle pas être visionnable ? Seule reste donc accessible la version internationale, nous privant ainsi de notre célèbre cantatrice.

De retour des Etats-Unis, Elen DOSIA fera la connaissance de l’un des ses compatriotes qu’elle épousera en octobre 1951. Elle arrêtera sa carrière en juin 1952 après avoir interprété une dernière fois le rôle de Tosca sur la scène de l’Opéra Comique. Son époux étant alors Président de la Communauté Hellénique de Paris elle chantera encore dans quelques Galas de bienfaisance, comme elle l’avait toujours fait au cours de sa carrière tant en France qu’aux Etats-Unis après la guerre. Elle se consacrera pleinement à sa vie de famille après la naissance de son fils en juin 1954.

Elen DOSIA n’a jamais souhaité par la suite s’investir dans  le professorat estimant que c’était une trop grande responsabilité. Elle restera toutefois proche du milieu lyrique car elle fera très longtemps partie de jurys de concours de chant.

Elle s’éteindra le 10 mai 2002 à Boulogne-Billancourt où elle résidait depuis 1951 et repose depuis lors au cimetière parisien de Bagneux.

MERKES-MERVAL

« Couple mythique de l’opérette », Marcel Merkès et Paulette Merval ont été applaudis par des millions de spectateurs au cours d’une carrière inégalée qui leur a permis de régner à Mogador pendant de longues séries de représentations et de chanter au cours de nombreuses tournées en régions, Belgique, Suisse ou Afrique du Nord devant des salles combles.

Le « phénomène Merkès-Merval » reste unique dans les annales de l’opérette française pour avoir chanté ensemble, avec un succès phénoménal, pendant 45 ans sur 50 ans de carrière.

Unis à la ville comme à la scène, ils ont su s’imposer à partir du début des années soixante.

Né à Bordeaux le 7 juillet 1920, Marcel Merkès étudie au Conservatoire où il obtient un premier prix d’opéra-comique et d’opérette.

Née le 3 novembre 1920 à la Roche-Chalais en Dordogne, Paulette Riffaud (Merval est son nom de scène) part s’installer avec sa famille à Bordeaux où elle entre au conservatoire dans la classe d’opérette. Elle en ressort elle aussi avec un premier prix.

C’est au Conservatoire qu’elle rencontre Marcel Merkès. C’est le coup de foudre et ils se marient le 27 décembre 1939.

Marcel Merkès débute au Grand Théâtre de Bordeaux où il interprète quelques rôles de baryton :  Albert (Werther, Massenet), Figaro (Le Barbier de Séville, Mozart), Valentin (Faust, Gounod)… En opérette, il interprète entre autres Le Chant du désert (Romberg), La fille de Madame Angot (Lecocq) ou Monsieur Beaucaire (Messager).

Engagés tous deux après une audition, le jeune couple débute à Paris pour une reprise de Rêve de Valse (Oscar Straus).

Ils chantent ensuite séparément. Pour la première série de Violettes impériales (Henri Roussell), du 31 janvier 1948 au 5 février 1950, Marcel Merkès aura pour partenaire Lina Walls. Marcel Merkès est consacré grande vedette de l’opérette. Il crée au Châtelet, avec Lily Fayol comme partenaire, la version française d’Annie du Far-West (Dorothy & Herbert Fields).

Paulette Merval chante au théâtre de l’Empire une reprise de Rose-Marie (Rudolph Frimll) dans une présentation de Maurice Lehmann.

Le couple se reforme en province tout au long de l’année 1951.

La naissance de leur fils Alain Merkès ne leur permet pas de se retrouver ensemble à Mogador où Henri Varna fait appel à Marcel Merkès pour une reprise de La Veuve Joyeuse que le baryton chante à partir du 17 novembre 1951 avec Marina Hotine comme partenaire.

Dès la rentrée 1952 Marcel Merkès et Paulette Merval chantent à l’Alhambra de Bruxelles dans Violettes, puis sur de nombreuses autres scènes : Toulouse, Bordeaux, Montpellier, etc.)

A Mogador, en trois ans et demi, ils vont donner 1500 représentations devant 1800 personnes chaque soir, soit, 2 500 000 spectateurs !

Les Amours de Don Juan du compositeur catalan Juan Morata, airs additionnels de Paulette Zévaco, succèdent à l’opérette de Scotto.

La critique est élogieuse : « … Marcel Merkès est un Don Juan de grande et fine allure, à la voix chaude et ample. Au surplus, un comédien de qualité. Son succès personnel est vif. A ses côtés, la délicieuse Paulette Merval joue et chante à ravir…  ».

Ils « abandonnent » ce spectacle le 12 avril 1957 et, pendant plus de quatre ans, sillonnent les routes de France, de Belgique, de Suisse et d’Afrique du Nord. Ils chantent l’opérette et font quelques incursions dans le tour de chant…

En 1956 Marcel Merkès tourne le film Trois de la Canebière d’après l’opérette de Vincent Scotto et, l’année suivante, Trois de la Marine.

Dans les deux cas, il a Colette Deréal comme partenaire féminine, Henri Genès et Michel Galabru comme partenaires masculins. Paulette Merval tient le rôle de Rosette dans le second de ces films.

Le 3 janvier 1961, Marcel Merkès fait sa rentrée à Mogador dans une reprise de Violettes Impériales, cette fois encore sans Paulette Merval.

Leur notoriété culmine au moment des représentations de Vienne chante et danse (1967). Après la dernière représentation de Violettes Impériales, ils se retrouvent ensemble à Mogador, le 24 février 1962, dans Rêve de Valse.

Désormais, les directeurs de théâtre ne pourront les séparer sur leurs scènes. Le mythe du « couple de l’opérette », savamment orchestré, s’impose… Dans le théâtre d’Henri Varna, les deux artistes alternent tout au long de la décennie, reprises et créations, qu’ils interrompent pour de brèves tournées en province.

Après Rêve de Valse, Marcel et Paulette chantent 150 fois Violettes Impériales en province, donnent des représentations de Rêve de Valse et se retrouvent à Mogador pour une reprise de Rose-Marie particulièrement réussie, le 23 novembre  1963.

Nouvelle création du couple le 5 décembre 1964 : Michel Strogoff, adapté du chef d’œuvre de Jules Verne et mis en musique par Jack Ledru, reçoit un accueil chaleureux du public de Mogador.

Un an plus tard, Michel Strogoff et ses créateurs se font applaudir sur les scènes de province. Une tournée de Rêve de Valse précède le retour à Mogador du couple pour une reprise des Amants de Venise le 26 novembre 1966.

Puis c’est la création, le 25 novembre 1967, de Vienne chante et danse de Jack Ledru (airs additionnels de Johann Strauss) qui se présente comme un nouveau succès, tant à Paris où il se joue deux ans, qu’en province ou ses créateurs le feront applaudir au cours de deux grandes tournées. La dernière représentation de Vienne chante et danse est donnée le 12 novembre 1969. Une page de l’histoire de Mogador est tournée… Celle du Châtelet, s’achèvera l’année suivante avec la disparition de Mariano, prélude à la faillite du théâtre.

De décembre 1969 à 1973, Marcel Merkès et Paulette Merval se produisent dans les salles de régions et de Belgique avec Vienne chante et danseRêve de Valse et Violettes Impériales. A partir de septembre 1979 le couple chante la nouvelle version de Princesse Czardas qu’ils feront applaudir un peu partout pendant cinq ans. La production est diffusée par la télévision le 2 janvier 1983.

En 1984, Marcel Merkès et Paulette Merval décident de se produire désormais en récital dans un spectacle souvent appelé Nos amours d’opérettes.

Après un rodage en province, le spectacle est présenté avec succès à l’Olympia au cours de l’été 1984.

Le couple assure la deuxième partie du spectacle qui comprend non seulement des airs et duos empruntés aux ouvrages qu’ils ont mené au succès, mais également un coup de chapeau à des compositeurs français ou américains qui ont illustré l’opérette ou la comédie musicale. A cette époque Marcel et Paulette participent également à plusieurs croisières de l’opérette.

Ils décident de quitter la scène, à l’âge de 74 ans. A eux deux, ils ont totalisé plus de 10 500 représentations durant leur carrière.

Paulette Merval fait sa dernière apparition publique à la Salle Pleyel en 1994. Après la disparition de son mari le 30 mars 2007elle cesse toute apparition publique.

Elle meurt à Bordeaux à l’âge de 88 ans le 21 juin 2009.

TAGLAVINI

Fervent défenseur du patrimoine lyrique et de la tradition du chant français, directeur de l’Ecole de chant de l’Opéra, le ténor Michel Sénéchal est né à Paris le 11 février 1927.

Après avoir chanté dans les chœurs de l’église de Taverny où il résidait, il entre au Conservatoire de Paris dans la classe du fameux professeur de chant Gabriel Paulet, auteur en 1928 d’une méthode réputée intitulée : « Exercices journaliers pour le chant ».

Lauréat d’un premier prix de chant, obtenu avec la cavatine du Faust de Gounod « Salut ! Demeure chaste et pure », Michel Sénéchal fait ses débuts sur scène en 1950 à La Monnaie de Bruxelles où il résidera pendant trois ans. Après l’obtention d’un premier prix au Concours de Genève en 1952, il est engagé par Gabriel Dussurget au Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, où il interprète les grands rôles mozartiens, rossiniens et l’opéra français pendant vingt-trois ans.

Grâce à ses talents de comédien et à son agilité vocale, il se voit confier le rôle-titre de Platée de Jean-Philippe Rameau lors de la recréation en 1956 sous la direction de Hans Rosbaud, rôle qu’il reprendra tout au long de sa carrière.

Il se produit par la suite très régulièrement à l’Opéra de Paris, à l’Opéra-Comique, au théâtre du Châtelet et au festival de Salzbourg où il chante sous la direction d’Herbert von Karajan. Michel Sénéchal fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York en 1982 dans les quatre rôles des valets des Contes d’Hoffmann d’Offenbach.

Il contribue à la création française de la plupart des opéras de Benjamin Britten. Il crée le rôle de Fabien dans Montségur de Marcel Landowski en 1985, celui du pape Léon X dans Docteur Faustus de Konrad Boehmer et celui de frère Élie dans le Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen en 1983.

Il enregistre plusieurs opéras-bouffes de Jacques Offenbach sous la direction de Michel Plasson ainsi que de nombreuses mélodies françaises de Francis Poulenc. Au-delà de sa carrière de chanteur, Michel Sénéchal enseigne et dirige l’école de chant de l’Opéra jusqu’en 1994.

Il fonde et préside avec le chef d’orchestre Georges Prêtre l’association « L’Art du chant français », qui défend et promeut le patrimoine lyrique et la tradition du chant français.

Michel Sénéchal s’éteint à 91 ans le 1er avril 2018 à l’hôpital d’Eaubonne.

 

CADIOU

Par Roland Mancini
Quand on demande à brûle-pourpoint à Michel Cadiou qui lui a appris à chanter, la réponse tombe, cinglante: personne ! Voire…

Parisien jusqu’au bout des ongles, né le 27 avril 1931, tourneur sur métaux de son métier, il a toujours chanté, depuis l’adolescence (chez les Chœurs vaillants), pour ses amis, dans les galas, sur scène – il écuma tout le Boulevard et jusqu’à Bataclan -, toujours récompensé ici et là, enfin encouragé à tenter la véritable aventure.

Suzanne Decrais, à qui l’on doit, entre autres, Christiane Eda-Pierre, lui montrera comment préserver ce que la nature lui avait donné – qualité, étendue vocale, nuances et une diction parfaite – et il réussira sans peine sa double entrée au Conservatoire de Paris, quittant Panzéra pour Jean Claverie, qui ne toucheront pas à cette miraculeuse facilité, à laquelle Roger Bourdin adjoindra l’art de la scène.

N’ayant jamais raté un concours ni une audition, il était entré dans les chœurs de l’Opéra, mais son rappel en Algérie retardera ses premiers prix, avec La Dame blanche, sur la scène de Favart, on ne trichait pas alors, en 1957 pour son premier prix de chant, Le Barbier de Séville pour la scène 1958 (alors au Théâtre Hebertot), où Georges Hirsch, directeur de la RTLN le remarque et, après une nouvelle audition réussie, le propulsera des chœurs aux premiers plans dans la troupe de l’Opéra : il y sera d’abord, le 29 octobre 1958, Vincent, son rôle fétiche qu’il avait déjà chanté à Vals-les-Bains (avec Geori Boué, Bourdin, Legros et Simone Couderc !), ici avec Andréa Guiot, Jean Pierre Laffage et Julien Giovannetti, sous la baguette attentive de Jésus Etcheverry, pour apprendre ses nouveaux rôles à un tempo effréné, un par mois, comme Vanzo – son ami et «rival» – un an auparavant, à ceci près que, déjà prêt, il n’aura pas eu, comme lui, à passer par toutes les « Madame est servie »du répertoire…

Suivent donc en un temps record les Lakmé, Pêcheurs de perles, Mignon, Barbier de Séville, se faisant aussi remarquer dans un bref mais éclatant Tybalt au côté du Roméo de Botiaux, mais aussi des raretés, du Médecin malgré lui, à la radio, au Roi malgré lui salle Favart, comme à la création locale de Vol de nuit, cependant qu’il rejoint l’Opéra dans le redoutable « chanteur italien » du Chevalier à la rose, y succédant à Poncet, et alternant avec Vanzo, Botiaux et Jacques Potier, Jacquino (Fidelio) avec Berthe Monmart et Chauvet, Valère des Indes galantes, pour aborder aussitôt Rigoletto et La Traviata, etc.

Remarqué aussi par Henri Spade, le responsable du service lyrique de la Télévision, il sera, très jeune, le partenaire de Mado Robin dans Lakmé, de Geori Boué dans Mireille et La veuve joyeuse, d’Huguette Rivière dans La Traviata, et, se libérant bientôt du carcan de l’Opéra de  Paris, courant déjà les provinces et la francophonie -juste le temps d’être George Brown à Nantes et Rouen, avant que cette Dame blanche ne disparaisse des affiches -, Edgardo – en italien – auprès de la Lucia d’Amalia Benvenuti à Besançon, y élargissant ainsi son répertoire à des ouvrages plus rares, notamment en Belgique où il peut chanter Si j’étais roi, et, comme à Bordeaux La Fiancée vendue , là où il est de la création française de La Mort de Danton, car Michel Cadiou, travailleur impeccable sera demandé dans bien des opéras du XXème siècle, déjà dans le très périlleux Élégie pour deux jeunes amants, de Henze, en 1965 à Nice avec Mady Mesplé, Les Quatre Rustres, de Goldoni et Wolf – Ferrari, comme plus tard, sous l’égide de Louis Erlo, Andres dans Wozzeck, et le Jim de Mahagonny (Lyon et Marseille).

Mais, revenant aux années soixante, une autre date à marquer, l’opérette, qu’il aura peu chantée, sauf, pour l’anecdote, Le Corsaire noir, ou, aux arènes de Nîmes, Andalousie… avec «mise à mort» par le célèbre Domingin, mais surtout du grand répertoire, Isoline à l’Opéra-Comique, Orphée aux enfers, La Belle Hélène ça et là avec Geori Boué ou Maria Murano, La Veuve joyeuse avec Geori Boué, pour la Télévision, de très beaux Messager au disque, puis réclamé en 1964 par le regretté Jean Michel Damase pour incarner Eugène Sue (Eugène le mystérieux) dans une très fine production du Châtelet, trop fine pour y durer, chantant tous les soirs – pas moins de sept airs-, et sans sono, bien sûr, mais jeté sur les routes de France au lendemain de l’abandon de la pièce, élargissant son répertoire à Roméo (appris en quatre jours pour un dépannage), Butterfly et La Bohème, etc.

Et, comme en Allemagne ou à l’Opéra de Vienne, il passera, l’âge venu, aux rôles de composition, Guillot de Morfontaine ou le Remendado de Carmen, incarnant aussi, à Rouen, avec Paul Ethuin, le Chevalier des Dialogues des Carmélites, et ici ou là le Duc de Mantoue, et Almaviva pour de longues années encore, se donnant dans d’innombrables concerts et galas, parrainant de plus jeunes, enseignant, etc., gardant par ailleurs un contact étroit avec ses amis et partenaires.

Qu’il faudrait citer tous, au-delà de nos immenses barytons, de Jean Borthayre, Michel Dens à Robert Massard : et si Mado Robin fut sa première Lakmé et Rosine, il côtoya, comme Vincent, parigot plus arlésien que quiconque et ici sans rival, plusieurs générations de Mireille, des Micheau et Geori Boué jusqu’à Odette Romagnoni, passant, parmi quinze autres, par la quasi titulaire du rôle, Jacqueline Brumaire, les De Pondeau et Esposito, Christiane Stutzmann, etc.…

Et pourtant, cette carrière sans relâche fut-elle bien représentative de son talent ? Certes pas, car, né avec plus de deux octaves dans la voix, contre-ut et ré bémol aigu dans toutes les nuances, les forte alternant aisément avec les plus subtiles demi-teintes, une diction devenant déjà rare à son époque, il était l’interprète rêvé d’un répertoire qui ne se jouait plus… ou ne se jouait pas encore.

A lui le répertoire de Villabella, du Postillon de Longjumeau à cette Dame blanche qu’il eut à peine temps de défendre, à lui surtout ce répertoire rossinien inconnu des directeurs et managers français : à lui ces Donizetti alors peu connus, et ce répertoire vocalisant et suraigu que défendront plus tard les Blake et Florez, …

A défaut, après la scène, Michel Cadiou, trop indifférent à sa renommée, est devenu chez lui un collectionneur réputé de belles voix et ouvrages rares, et à cela, il n’y a pas d’âge de la retraite.

Il est décédé à l84 ans le 2 mars 2015 

FINEL

Le ténor Paul Finel est né à Villeveyrac, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Montpellier, le 18 décembre 1924, dans une famille de vignerons où certains possédaient une voix et chantaient en amateurs; son grand-père était ténor léger, son père fort ténor et sa sœur soprano dramatique.

Paul Finel a d’abord cultivé la vigne aux côtés de son père puis a songé un temps à devenir instituteur mais y renonça bien vite par amour du grand air et de la liberté.

Après l’avoir entendu lors d’un carnaval dans l’air de Mario Cavaradossi (La Tosca, Puccini), une amie de ses parents, charmée par sa voix, lui obtient une audition auprès du directeur de l’Opéra de Montpellier.

Celui-ci l’auditionne, lui conseille de s’inscrire au Conservatoire de Montpellier et lui paye ses cours de chant avec notamment Madame Bastard de Béziers qui a formé Gabriel Bacquier.

Après deux ans d’études il obtient une audition à Paris devant Maurice Lehmann qui l’engage sur le champ et il débute sur la première scène de France à l’automne 1954 dans de petits rôles.

En 1956, suite au désistement de Raoul Jobin dont il était la doublure, il interprète La Damnation de Faust de Berlioz à Garnier devant le public des Jeunesses musicales de France. Sa prestation fait sensation à tel point que Paris Match lui consacre un article sous le titre « Un grand ténor nous est né »

Le critique du Monde dans ses colonnes du mardi 15 janvier 1957 s’enthousiasme également : « Paul Finel est un ténor doué d’une excellente voix et il sait s’en servir »

Mais la période est rude.  La concurrence entre les ténors est des plus vives. En 1954, le concours de Cannes a révélé Poncet, Vanzo, Botiaux, Gardes et Chauvet tandis que Nicolaï Gedda, Giuseppe di Stefano, Mario deL Monaco et Wolfang Windgassen faisaient leurs débuts à Garnier la même année.

Après quelques saisons éclatantes, Paul Finel connait une période plus compliquée. Néanmoins l’artiste parvient à effacer les incertitudes qu’avait fait naître le niveau médiocre auquel étaient descendu ses prestations des dernières années.

En 1967, il triomphe en André Chénier à Strasbourg ce qui lui vaut cet éloge de Jacques Lonchampt  dans Le Monde « Paul Finel en particulier nous étonne par la puissance avec laquelle il incarne le Chénier de Giordano, avec une voix chaude, généreuse, dont le vibrato ajoute au pathétique de son air dédié à « la Jeune Captive », celle-ci interprétée à merveille par la belle et émouvante Suzanne Sarroca. »

Dans son dictionnaire des chanteurs de l’Opéra de Paris, Jean Gourret loue à raison « son timbre chaud, et coloré, sa diction parfaite et son style très pur »

Au cours de ses trente ans de carrière Paul Finel a campé plus de 200 Faust et autant de Don José ! Il a chanté tous les grands rôles et de nombreuses raretés : Padmavati de Roussel, Marie-Magdeleine de Massenet, Moïse et Pharaon de Rossini, Horatius Cocles de Méhul, L’Ange de feu de Prokofiev, La Fille du Far-West et Il Tabarro de Puccini, L’Atlantide de Tomasi, etc.

Au disque, il fut le partenaire de Denise Duval en Chevalier de la Force dans Dialogues des carmélites ou de Jane Rhodes dans L’Ange de feu, sans oublier divers opéras en version française (Tosca avec Régine CrespinLa Traviata avec Mado Robin).

Paul Finel a fait carrière jusqu’au début des années 1980, puis il enseigna le chant jusqu’en 1992 avant de s’éteindre à Riom (Puy-de-Dôme) le 29 novembre 2017 à l’âge de 93 ans.

 

FRIANT

Par Jean Ziegler

Son père était danseur à l’Opéra de Paris, lui-même commença comme élève à l’Ecole de danse de ce théâtre. Jeune, Charles Friant opta pour la comédie, et fit des tournées en Europe, avec Sarah-Bernhardt (1908-1909).L’année suivante, il suivit au Conservatoire les cours de chant du célèbre Melchissedec.

En 1913-1914, il débuta en province comme premier ténor, débutant à Grenoble dans Des Gueux (Manon, Massenet). Bien plus tard, en 1939, il devait reprendre ce rôle à l’Opéra Comique et le jouer encore à Marseille. Après la guerre, il reprit sa carrière au Théâtre-Lyrique, et en 1919 y créa le rôle-titre dans Tarass-Boulba de Samuel Rousseau, avec Maria Kousnetzoff.

Le 4 juillet 1920, débuts Salle Favart (Werther). Attaché à ce théâtre pendant deux décennies; Autres rôles : Don José, Gérald, (Lakmé), Cavaradossi (Tosca), Canio (Paillasse), Jean (Sapho) Pedro (La Habanera), Bazile (Les Noces de Figaro), Félicien (Le rêve), l’enlèvement au sérail (Pédrille). Particulièrement illustre dans Le Jongleur de Notre-Dame (Jean). Acteur subtil et souvent impétueux, il eut en charge la plupart des créations. Les principales : Le Bon Roi Dagobert, le Hulla (Nartès), La Peau de chagrin (Raphaël), Zadig….

Charles Friant donna de très nombreuses représentations dans tous les opéras de France, ainsi qu’à Monte-Carlo, en Suisse, en Belgique. Il représente le type de l’acteur lyrique français, plus convaincant par son jeu et les couleurs multiples de son chant que par la qualité intrinsèque de sa voix.

A ceux qui ont pu l’applaudir à la scène, Charles Friant laisse d’impérissables souvenirs. Il nous a heureusement légué de très nombreux disques (Pathé, Gramophone, Odéon) qui, pour l’interprétation d’un répertoire important (quoiqu’un peu négligé de nos jours, du moins en France), peut à maints égards servir de modèle pour les jeunes chanteurs et les amateurs d’« Ars Gallica ».

HELDY

« Liégeoise, idéale soprane parisienne »

Par Guy Dumazert.

Marguerite-Virginia, Emma, Clémentine Deceuninck, est née à Ath, près de Liège, le 29 février 1888. Admise à l’unanimité au Conservatoire de Liège en 1908, premier prix de chant en Juillet 1910. Fin Octobre de la même année sauve la situation, à la Monnaie, dans Ivan le Terrible, de Gunzbourg-Jehin. Dès le 1er décembre, elle tenait la tête de l’affiche dans la création à Bruxelles de Quo Vadis de Nouguès, aux côtés de Lestelly, Billot, Ponzio etc. (Quelles distributions !)

Trois années à ce Théâtre, à l’étonnante prolificité : Eurydice, Micaëla, Déjanire, Elsa, Traviata (15 fois durant la seule saison 1913-1914). Plusieurs créations : Le Chant de la Cloche, de Vincent d’Indy, Roma de Massenet, Fanny Heldy chante en France, à Biarritz, où sa Violetta éblouit Edmond Rostand. Débuts à l’Opéra Comique le 12 février 1917, toujours dans la Traviata. Puis le Barbier de Séville, Louise (inégalée), Madame Butterfly, Manon, Pelléas et Mélisande, Tosca, Bohème (Mimi), Reine Fiamette (rôle-titre, 1919, puis 1935), les Contes d’Hoffmann (les 3 rôles féminins, – ce qui est la seule façon vraisemblable de représenter cet ouvrage).

Fanny Heldy Crée, le 15 Octobre 1919, le rôle-titre de Gismonda, d’Henry Février, avec Fontaine, Albers, Dupré, Cazette… En 1920, c’est la consécration absolue : le Palais Garnier : Roméo et Juliette (15 décembre), Paillasse (1920), Faust (1921), Lohengrin (1922), Hamlet et Thaïs (1925), Manon (1926), Butterfly (1928), le Barbier de Séville (1933).

Très nombreuses créations à ce Théâtre: Antar de Gabriel Dupont, L’Heure espagnole (Concepcion), Hérodiade (Salomé), Le Jardin du Paradis, de Bruneau (Arabelle), Esclarmonde, Nerto de Widor (rôle-titre), La Traviata, La Tour de Feu, de Lazzari (Naïc), Persée et Andromède d’Ibert (Andromède), L’Illustre Fregona de Laparra (rôle-titre), Le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn (Portia), L’Aiglon, d’Ibert et Honegger (rôle-titre).

A une époque où les plus grands chanteurs restaient souvent casaniers, ne quittant guère leur pays, elle fut, pendant vingt ans, avec Ninon Vallin, Geneviève Vix, Yvonne Gall et Germaine Lubin, une ambassadrice du chant français à travers le monde. Particulièrement à la Scala de Milan (création de Pelléas, de Louise), sur invitation de Toscanini, mais aussi à Londres, au Brésil, en Argentine, en Pologne, en Russie, en Espagne, et tutti quanti. Elle était particulièrement aimée à Nice, Vichy, Monte-Carlo.

Jean Gourret qui l’a bien connue et a pertinemment analysé son art, en esquisse le portrait: « Avec ses beaux yeux, sa taille de guêpe, sa silhouette distinguée, son allure sportive, elle fut une des femmes les plus élégantes de Paris, modèle favori des journaux de mode. En 1938, elle épousa le grand industriel Marcel Boussac et se retira alors du théâtre. Par un privilège spécial, l’Opéra lui conserva sa loge, à l’étage de la scène ; elle eut l’occasion de la prêter à de grandes cantatrices » (Encyclopédie : « Les fabuleuses cantatrices de l’Opéra de Paris », Mengès éditeur, page 200).

Fanny Heldy enregistra de nombreux disques 78 tours. D’abord, chez Pathé (saphir). La première intégrale de Manon, sous la direction d’Henri Büsser, avec le ténor Jean Marny, Ponzio, Dupré (1923). Entre autres, un extrait d’Antar, une de ses créations. Des duos avec Marny (Madame Butterfly). A partir de 1927, vedette de Gramophone-La Voix de Son Maître : Le remarquable Piero Coppola mettait un point d’honneur à diriger l’orchestre pour ses enregistrements. De Faust et Manon à Portia. Sublime de nuances et de véracité dans une scène de L’Heure espagnole (Las ! cette intégrale qui cruellement nous manque, à cause du système – alors intraitable – les exclusivités des marques de disques en France. Partenaires de choix (Manon, Carmen, Thaïs) : Fernand Ansseau et Marcel Journet.

Fanny et Ninon : voix brillante, étendue (du la grave au contre-ré), soprano léger de grand opéra. Ampleur limitée, mais comme beaucoup de chanteurs belges, intense projection, même dans les grandes salles (où la sonorisation eût été impie !). Excellente articulation, énonciation un tantinet « gavroche » qui faisait merveille dans Manon, Louise et Concepcion. Qualité extrêmement personnelle de timbre, sans doute plus efficace à la scène qu’au disque. Comme l’éruptive, l’imprévisible Conchita Supervia, idéale Carmen, mais jusqu’à la fin de sa carrière, vif-argent comme la grande Espagnole, elle sut conserver un organe vocal presque intact. Sa parfaite émission technique lui permit de durer, malgré tant de personnages, tant d’emplois différents.

A l’opposite de Ninon Vallin. (Elles étaient amies, ce qui n’est pas tellement fréquent chez les oiseaux de haut vol), musiciennes toutes deux, intuitives toutes deux. Chez elle le théâtre, le théâtre avant tout. Elle semble avoir peu pratiqué la mélodie – sans doute n’en avait-elle pas le temps ; en tout cas, elle n’en a enregistré aucune. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’y aurait pas brillé, de même qu’on ne peut prétendre que notre chère Ninon était piètre comédienne.

L’intuition de Fanny apparaît déconcertante parfois, comme l’océan qui cache les remous, les grouillements de ses abysses. Trouvailles étonnantes. Quelle Mélisande elle a dû ciseler ! Ce vif-argent pouvait se faire nuances. Ninon, c’est un autre monde. Plutôt Fauré, un timbre de rêve, un velours, cautelé et suggestion, des charmes indescriptibles. Debussy ne disait-il pas, pendant qu’elle chantait chez lui le Promenoir des deux amants : « Ecoute, chérie – sa jeune fillette – c’est comme cela, et pas autrement, qu’on doit dire la musique de ton père? » D’où la dédicace des Poèmes de Mallarmé.

Deux anecdotes : Un jour, chez un disquaire parisien, Fanny désirait acquérir le disque de l’air de Louise… par Fanny Heldy. Sans doute le mieux intentionné du monde, mais un peu distrait, le brave homme de lui déclarer : « Je ne l’ai pas actuellement, mais tenez, celui de Ninon Vallin, il est très, très beau. » Amusée, l’espiègle et toujours grande dame, de lui repartir, en souriant : « Je le sais, ma camarade Ninon Vallin a une voix beaucoup plus phonogénique que moi, mais c’est pour des amis… Ils m’ont vue hier, à l’Opéra Comique, dans le rôle… »

Une autre historiette (véridique), je l’ai personnellement vérifiée des deux côtés. A la même Vallin, la richissime Madame Boussac dit un jour (c’était en 1945) avec une sincère nostalgie.: « Vous savez, je donnerais toute ma fortune pour pouvoir, comme vous, continuer, de chanter. » Elles avaient toutes deux le même âge, et Ninon, accompagnée au pianopar Reynaldo Hahn venait, la veille, de remplir à ras bord le Théâtre des Champs-Élysées. On avait refusé du monde. C’étaiten quelque sorte la revanche de la mélodie sur les prestiges de l’Opéra…

LaFée de Garnier, à partir de ce moment-là, se mura dans un recul absolu vis-à-vis du chant. C’était fini. Le rideau était tombé… Beaucoup plus tard, en 1973, quelques lignes dans un journal, trois phrases à la télévision, nous annoncèrent sa mort. Comme pour Ninon Vallin, douze ans plus tôt… et commepour tant d’autres, les rares, les précieuses, celles qui nous ont fait rêver.

BURLES

Par Jacqueline Pongy

Charles Burles est né le 21 juin 1936 à Marseille dans une famille de mélomanes. Tout jeune il chante dans des chorales et gagne de nombreux concours. Peintre décorateur, il rêve d’être ténor et travaille à Marseille avec le ténor Léon Cazauran.

Il débute à Toulon en 1958 dans Le Barbier de Séville de Rossini. Deux mois après, il part faire son service militaire en Algérie où il continue de travailler à l’opéra d’Oran.

A son retour il enregistre pour l’album lyrique « Emission du dimanche matin – La vie de Bohème » avec Hélène Piroir et Valère Blouse. En 1963 il est engagé par Louis Ducreux dans la troupe de l’Opéra de Marseille où il chante tous les rôles de ténor léger.

Mais c’est en 1968 pour la reprise de La Juive de Halévy à Toulon dans le rôle périlleux de Léopold au coté de Tony Poncet que sa carrière va véritablement être lancée. En 1969 il chante son premier Jongleur de Notre-Dame de Massenet, la critique est unanime.

P. Bessand Massenet, petit fils du compositeur déclare : « Je crois être l’interprète de ce qu’aurait éprouvé Massenet en disant qu’aucun artiste n’a été un interprète aussi émouvant, aussi impressionnant, que Charles Burles. » Jean Giraudeau l’appelle à l’Opéra-Comique en 1969.

Il y débute dans Zoroastre de Rameau. En 1970 il crée L’Annonce faites à Marie de Paul Claudel, musique de Renzo Rossellini, qu’il chantera à Turin et à Venise.

En 1971 L. Ducreux remonte pour lui le Postillon de Longjumeau de Adolphe Adam qu’il chantera sur plusieurs scènes lyriques. Bernard Gavotty déclare : « Charles Burles ténor ultra léger vocalise dans le sur aigu, avec une virtuosité de brodeuse »

Il reprend aussi La Dame Blanche de Boieldieu, Si j’étais Roi d’Adolphe Adam, sans oublier Le Barbier de Séville de Rossini. En 1973 l’opéra de Gand (Belgique) fait appel à lui pour le rôle d’Arturo des Puritains avec Maria Fleta la petite fille du ténor Miguel Fleta.

Respectant la tonalité de la partition il donnera le contre fa (credea si misera…) du troisième acte.

En 1977 Rolf Libermann le distribue dans Platée de Rameau. Il ajoutera L’enlèvement au Sérail de Mozart et Le Mariage Secret de Cimarosa à son répertoire.

Avec un égal succès il sera l’interprète des Pécheurs de Perles de Massenet, souvent aux cotés de son ami le baryton Pierre Le Hémonet, Mignon, La Fille du Régiment, Don Pasquale, L’Italienne à Alger, Le siège de Corinthe, Le Comte Ory, Mireille, Les Paladins; mais aussi la Bohème et Rigoletto. Il ne dédaignera pas l’opérette.

A partir de 1996 il chante et joue les rôles de composition. Il fait ses adieux en 2006 dans le rôle d’Altoum de Turandot de Puccini à Marseille.

Fin ciseleur, tel un orfèvre à la diction impeccable, élégance de la ligne de chant, des nuances et du phrasé, maitrise de l’aigu avec diminuendo sans rupture du passage forte au passage piano, il laissera le souvenir d’un ténor généreux n’hésitant pas à bisser pour satisfaire le public.

Digne successeur du ténor Miguel Villabella, il a enregistré : La Belle Hélène, Lakmé, Le Barbier de Seville, Guillaume Tell ainsi que de nombreuses opérettes.

 

HUC SANTANA

Par Jean ZIEGLER

Ses parents français avaient émigré en Argentine où, dans la Pampa ils élevaient des troupeaux de moutons et de vaches. C’est pourtant à Toulouse que André, Henri Huc devenu Huc-Santana par la suite, vit le jour le 11 octobre 1912, à l’occasion de vacances prises en famille. A l‘âge de trois ans, il reprend avec sa mère le bateau pour la lointaine Argentine afin d’y rejoindre son père.

Obligé à 19 ans de choisir entre les nationalités française et argentine, il opte pour la première et revient en France pour faire son service militaire au cours duquel il perfectionne son français au départ un peu rugueux. A vrai dire son choix lui avait été dicté par sa passion du chant. Il savait qu’il avait une grande voix et souhaitait s’établir en un lieu où il apprendrait à la discipliner.

A Paris, il eut la chance de prendre des leçons avec Vanni-Marcoux et Balbis, arrondissant ses fins de mois avec les cachets qu’il obtenait en pastichant les gauchos ou en poussant la chansonnette dans des cabarets. A la déclaration de la guerre, il se replie à Marseille où il travaille avec le ténor Pietro Albertini. Jouant à cache-cache avec ceux quirisquaient de l’envoyer, comme tant de jeunes Français au S.T.O, en Allemagne, il se produit pour la première fois sur une modeste scène lyrique dans un petit rôle de Louise de Gustave Charpentier.

A la suite d’un concert organisé par une association d’aide aux jeunes artistes, Paul Bastide, directeur de l’Opéra de Marseille, lui confie en 1941 le rôle de Phanuel dans Hérodiade. De retour en 1943, il est, grâce au pianiste de l’Opéra de Marseille, auditionné par Gustave Gloëz, chef d’orchestre Salle Favart. Enthousiasmé, celui-ci prévient Jacques Roucher, directeur de l’Opéra de Paris, qui, après avoir entendu Huc-Santana dans Le Cor de Flégier, l’engage sur le champ pour chanter Sparafucile. Le succès est telque pendant 25 ans, il assume au Palais Garnier tous les rôles petis et grands de basse noble : Ramfis, Le Vieillard Hébreu, Frère Laurent, Le Commandeur, Phanuel, Les deux Méphistos, Hunding, Boris, Flambeau, Le Grand Inquisiteur…

Parallèlement, il est appelé à l’Opéra-Comique et dans tous les grands théâtres de Province, mais aussi au Colon de Buenos Aires, en Italie, en Suisse, à Monte-Carlo, en Tunisie, ajoutant à son répertoire parisien Basile, Le Padre Guardiano, Don Juan, Le Prince Igor, Don Quichotte, Colline, Mefistofele, Arkel, les quatre méchants des Contes d’Offmann, Barbe Bleue d’Ariane et Barbe Bleue de Paul Dukas… et surtout à Bruxelles dont il fut pendant sept ans la vedette.

J’ai eu la chance de voir Huc-Santana à Marseille dans le rôle de Boris Godounov, plusieurs fois à Paris dans le Grand Inquisiteur et une fois dans Basile. C’était chaque fois une expérience assez fructueuse : cette voix tonnante s’épanouissant dans les abysses, ces presque deux mètres, cette extraordinaire présence qui donnait du relief à tout ce qu’il touchait. Cet homme aimable et drôle dans le privé devenait sur scène un monstre sacré terrible et touchant, hallucinant ou truculant, immense ou modeste.

Le jour venu, il prit sa retraite en se consacrant à l’enseignement. Il mourut à Paris le 21 janvier 1982.

ROBIN

 Célèbre dans le monde entier pour ses excursions dans la stratosphère vocale en parvenant à donner un contre-contre-ré, la note la plus aiguë jamais chantée, Mado Robin fut l’une des plus célèbres sopranos colorature françaises des années 1940-1950.

Elle était surnommée par les américains « The French stratospheric colorature ». Un journal avait même titré son article : « Elle a franchi le mur du son ». En 1937, Mado Robin remporte à 19 ans, le premier prix du concours des sopranos de l’opéra de Paris.

Remarquée par le baryton italien Titta Ruffo, elle est formée au Bel canto par le ténor Mario Podesta, Maître le plus éminent de l’école de chant italienne de Paris. Mado Robin atteint la consécration en 1944 lors de ses débuts à l’Opéra de Paris, dans le rôle de Gilda de Rigoletto.

Grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 1952, elle triomphe en 1954 dans le rôle de Rosine lors de représentations exceptionnelles du Barbier de Séville à l’opéra de Marseille où le jeune Roberto Benzi dirige son premier ouvrage lyrique complet. Mado Robin fait de nombreuses tournées triomphales aux Etats-Unis, au Canada et en Union soviétique où elle donne en 1959, treize concerts en vingt jours.

Son contre-si bémol émerveillait le public. Elle atteignait la hauteur du 6, soit 2 320 vibrations à la seconde. D’autres chanteuses ont atteint cette note, mais elle fut la seule à réussir une carrière internationale sur les scènes lyriques. Très appréciée pour sa modestie et sa gentillesse toute naturelle, Mado Robin a toujours semblé s’excuser d’avoir du talent.

Elle est morte à seulement 42 ans, le 10 décembre 1960, d’un cancer généralisé. Elle repose au cimetière d’Yzeures-sur-Creuse, sa commune de naissance, où un musée lui a été dédié en 2009.

 

KRIFF

Edouard KRIFF naît le 3 août 1905 à Alger alors ville française. Son père étant mort pour la patrie, il est adopté par la Nation. A l’issu de ses études secondaires il entreprend un début de carrière dans l’industrie automobile mais il veut chanter l’opéra en en 1930, il traverse la Méditerranée pour venir à Paris. Il prend ses premières leçons avec Marguerite Carrère de l’Opéra. Sa voix alors encore légère lui permet assez rapidement de chanter des chansons populaires, mais le travail aidant, celle-ci se renforce suffisamment et en 1936 il débute dans le rôle de Jean d’Hérodiade.

En 1939 Jacques Rouché l’engage à l’Opéra de Paris et le fait débuter dans Samson et Dalila bientôt suivi d’Aïda et de la Damnation de Faust. Mais la guerre éclate. Contraint de quitter Paris à cause des lois antisémites, Edouard Kriff ne peut plus chanter que dans la zone sud de la France où il sera finalement arrêté en janvier 1943 à la sortie de l’Opéra de Marseille où il vient de  chanter Tosca, pour être déporté.

Il s’évade en sautant du train de la mort et se mêle plus ou moins à certains mouvements de résistants du département de l’Ardèche.

En 1944 il repend ses activités et ce jusqu’en 1956. Il chantera, entre autre, Hoffmann des Contes à l’occasion de leur reprise en 1947 (en alternance avec Raoul Jobin) et Julien de Louise pour sa reprise en 1950 dans des décors de Maurice Utrillo.

Nommé directeur de la scène de l’Opéra-Comique, Edouard Kriff signera des mise en scène dans plusieurs théâtres et en 1961 créera une structure associative : « Le Rayonnement du Théâtre » qui va être un tremplin de départ pour la carrière de nombreux jeunes artistes français. Il meurt à Paris le 29 mars 1966.

Lors d’un entretien enregistré à Nice le 14 décembre 2009 et mis en ligne sur Dailymotion en janvier 2012, Jean Kriff, le fils d’Edouard Kriff, évoque la carrière artistique de ses parents et grands parents De Beer. Dans son témoignage, Il parle de la tradition du théâtre lyrique, des rôles d’opéra, des genres des voix, des interprétations, des tessitures… Un entretien à écouter avec intérêt et plaisir.

LUCCIONI

Par Jean Ziegler

 José Luccioni nous a quittés le 5 octobre 1978 à Marseille où il s’était retiré. Et pourtant, pour ceux qui ont eu la chance de le voir et de l’entendre sur scène, cette voix insolente continue de résonner, ce tragédien inégalable continue de nous émouvoir et sa présence continue d’abriter tous les personnages qu’il a incarnés.

Cette réédition vient à point pour conforter notre souvenir, animer notre fierté et transmettre aux générations qui nous suivent le flambeau de l’art lyrique dans ce qu’il a de plus noble, de plus généreux et de plus spontané.

José Luccioni est né le 14 octobre 1903 à Bastia où il a fait au lycée des études secondaires sans accroc ni difficulté. Très vite il manifeste une vraie passion pour la mécanique et pour l’automobile. Toutefois, il ne fait pas son service militaire comme chauffeur et découvre alors, en distrayant les autres conscrits, qu’il a une voix.

Pour un corse, la chose est normale, mais le phénomène l’intéresse et dès qu’il le peut il va à l’opéra. Il écoute les troupes italiennes et surtout César Vazzani, à qui il voue immédiatement une admiration totale.

Il achète ses disques et reproduit ses airs les plus fameux, le plus souvent un ou deux tons au dessus, car le phonographe tourne trop vite ! Heureusement, de bonnes oreilles l’entendent, le conseillent et l’aide à « monter à Paris ».

En 1927 il entre au Conservatoire. S’il a une voix naturelle sans limite et une mémoire fabuleuse, pour le reste il a tout à apprendre. Léon David lui enseigne le style et l’articulation. Léon Escalaïs lui apprend comment canaliser sa vaillance naturelle. Malheureusement, un certain Bournonville, docte mais peu psychologue, lui fait prendre en horreur le solfège, ce qui plus tard lui vaudra quelques mécomptes.

Eugène Sizes le forme au jeu de la scène ; au piano, dans cette classe, il y a une artiste rigoureuse mais aussi jeune, grande et fort belle. José l’épouse et elle deviendra la compagne la plus attentive, exploitant ses immenses qualités, tempérant ses emportements, veillant constamment aux moindres détails, miroir parfait d’un artiste qui ne peut durer et s’élever dans la solitude, face à une carrière toujours plus exigeante.

En 1930, malgré Bournonville, il concourt devant Jacques Rouché, directeur de l’Opéra, qui l’engage. Henri Rabaud, directeur du Conservatoire, transige, ravi de conserver un élève, artiste de l’Opéra. Ce seront alors les utilités, tel un rapin dans la Virginie de Bruneau.

Au Conservatoire il obtient un premier accessit de chant, un second prix d’opéra-comique, mais aussi un fulgurant premier prix d’opéra, avec le troisième acte d’Otello. Les contrats viennent d’un peu partoutet le grand jour arrive, le 22 février 1932 : pour un gala d’opéra et de ballet, Jacques Rouché affiche en lever de rideau Paillasse avec Mily Morère, Pernet, Cambon, Gilles et le débutant José Luccioni. Quinze rappels !

Pourtant l’opéra lui réserve encore quelques seconds emplois : un serviteur d’Elektra, le chanteur italien du Chevalier à la Rose, le pêcheur de Guillaume Tell. Chaque fois il étonne, il s’impose.

Viennent ensuite, le Duc de Mantoue, puis en 1933, Jean d’Hérodiade auprès de Marjorie Lawrence, Radamès en italien auprès de Gina Cigna et Cesare Formichi, et ses débuts à l’opéra-comique dans Carmen.

En 1935 il chante à l’Opéra Roméo, Faust de la Damnation et Sigurd. Cette même année il est le chanteur italien de la centième du Chevalier à la Rose, auprès de Campredon, Lubin et d’Huberty. Pour le jubilé du roi George V il est au Covent Garden le Don José de Conchita Supervia, puis celui de Renée Gilly, auprès de son grand ami Adrien Legros au Théâtre antique de Vaison-la-Romaine.

En 1936 il crée à Rome le Cyrano de Bergerac d’Affano, auprès de Franci et de la toute jeune Maria Caniglia, et reprend La Fiamma de Respighi. Puis c’est l’Amérique du Sud où il retrouve Germaine Hoerner, son Aïda et retrouve Lucienne Anduran avec qui il chanta par la suite plus de cent fois Carmen.

En 1937 il est Radamès devant le Mur d’Orange, Calaf aux Arènes de Vérone, Don José et Canio à Chicago.

En 1938, à l’Opéra de Paris, il est Samson et Matho de Salammbô d’Ernest Reyer.

Viendra ensuite une période qu’il consacra à la radio ainsi qu’à des concerts en Afrique du Nord. Puis ce fut le 8 mai 1943 à l’Opéra son premier Otello, auprès de Géori Boué, José Beckmans et Georges Noré. Sans doute son plus grand rôle, qu’il devait chanter plus de cent-vingt fois, toujours avec le même succès, jusqu’à la fin de sa carrière et dans lequel il n’a jamais été égalé.

Radamès, Samson, Don José, Werther, Mario Cavaradossi, Roméo, continuent d’enthousiasmer tous les publics francophones, jusqu’à ce formidable Canio de Paillasse qui avait ouvert sa carrière à l’Opéra et devait la clore, trente ans plus tard, le 2 février 1962, à l’Opéra-Comique, la voix toujours insolente et belle.

PANZERA

Par Patrick Bade

A une époque où il y avait presque trop de barytons français, le Suisse Charles Panzera avait une position très spéciale en tant qu’ami et interprète favori de plusieurs grands compositeurs, parmi lesquels Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Vincent d’Indy, Guy Ropartz, Albert Roussel… En 1922, le vénérable Fauré confia la première représentation de son cycle de lieder « L’horizon chimérique » au très jeune Panzera et lui fit l’honneur de lui en dédicacer la partition.

Panzera entretint une relation de travail étroite et durable avec Arthur Honegger. « La chanson de Ronsard » d’Honegger lui est dédicacée et il participa à beaucoup de premières, dont la version finale du « Roi David » en 1921, « Amphion » et « Cris du monde » en 1929 et « La danse des morts » en 1938. Pour un chanteur de son époque le répertoire de Charles Panzera était exceptionnellement vaste, allant de Monteverdi et Lully à la musique contemporaine, englobant Mozart, Schubert, Schumann, Berlioz, Wagner, Debussy et Duparc.

Panzera avait une voix de baryton d’une étendue et d’un volume modestes. Le timbre de sa voix devint plus sombre au fil des années, mais conserva le léger frémissement d’un vibrato et une couleur aussi particulière et agréable que celle d’un bon vin. Sa technique vocale était accomplie, sa voix était extrêmement souple et possédait un trille finement aiguisé, que l’on peut remarquer dans plusieurs enregistrements. Comme beaucoup de ses contemporains francophones, sa prononciation du français est à elle seule un délice.

Il a chanté et enregistré beaucoup de son répertoire allemand très étendu en français, mais son célèbre enregistrement de « Dichterliebe », fait en 1935 avec Alfred Cortot, montre qu’il pouvait chanter impeccablement dans un allemand sans accent. Par dessus tout, c’est pour son intelligence et sa sensibilité en tant qu’interprète que des enregistrements sont si appréciés. Panzera allie une sensibilité presque féminine à un timbre très masculin et, à l’inverse de quelques uns de ses successeurs, il n’a jamais dans son chant versé dans l’affectation.

Charles Panzera était né à Genève en 1896. Après la première guerre mondiale au cours de laquelle il s’engagea dans l’armée française, il compléta ses études au Conservatoire de Paris avec Amédée (Louis Hettich), aux côtés d’une autre chanteuse qui allait devenir une interprète légendaire du chant français, Madeleine Grey. Le fait qu’elle aussi fut choisie par Fauré et Ravel, pour interpréter de nouvelles œuvres dans l’année où elle obtint le diplôme, en dit long sur le prestige et le talent de Hettich comme professeur.

Charles Panzera fit ses débuts à l’Opéra Comique en 1919 dans le rôle relativement modeste d’Albert de Werther. Pendant l’année où il chanta l’opéra, il interpréta souvent des seconds rôles, mais il brilla aussi dans un superbe Pelléas. Il grava des extraits de Pelléas qui sont d’une exquise poésie, et en même temps passionnés et charnels, mais il est certain que vers la fin des années 20, il lui manqua les plus hautes notes du rôle, qui se situe entre le ténor et le baryton.

A peu près à la même période il abandonna graduellement la scène d’opéra pour les concerts. Cependant, Charles Panzera enregistra beaucoup de disques d’opéra, et atteignit le sommet de sa gloire en tant que chanteur de mélodies, dans lesquelles l’accompagnait très souvent sa femme Magdeleine Baillot.

PONS-2

Par Mattew Boyden, critique d’Art lyrique à la BBC
Auteur de nombreux ouvrages sur l’Opéra

En dépit d’une longue et brillante carrière – plus de 25 ans dans la troupe du Metropolitan Opera de New York – la soprano française (plus tard naturalisée américaine) Lily Pons ne fut jamais vraiment prise au sérieux. Tout au long ou presque de son séjour à New York, elle fut un peu considérée comme la petite étoile en haut de l’arbre de Noël, rien de plus qu’un ornement, une distraction passagère.

Pourtant elle fut une soprano colorature parmi les plus accomplis du XXème siècle, et l’une des principales instigatrices de la renaissance du bel canto. Malheureusement, en quarante ans de carrière, elle ne reçut jamais le respect qui lui était dû. Née le 12 avril 1898 à Draguignan, Lily Pons fait ses débuts à Mulhouse en 1928 dans le rôle de Lakmé (Léo Delibes).

Après une brève tournée en province, elle est entendue par le ténor italien Giovanni Zenatello et sa femme, Maria Gay, qui la recommandent chaudement au directeur du Met, Giulio Gatti-Casarra. La cantatrice arrive à New York en 1931, au plus fort de la dépression dans laquelle le Met se débat de son mieux pour rester à flot.

Elle auditionne pour Gatti qui décide de la lancer dans le rôle de Lucia di Lammermoor (Donizetti). Si la rumeur cour que la cantatrice semble digne d’intérêt, rien ne prépare le public à la performance que va lui offrir Lily Pons le 3 janvier. Son art tient véritablement du miracle, et après la « scène de la folie » du troisième acte, la salle est tellement transportée qu’ « elle applaudit à tout rompre ».

Gatti-Casarra décide d’exploiter la popularité de Pons, dont le seul nom lui permet de faire salle comble chaque soir. A ce titre, elle a incontestablement sauvé le Met de la faillite qui, sans elle, aurait coulé corps et biens. Pons connaissait ses limites et s’en tenait au répertoire choisi : Rosine (Le Barbier de Séville, Rossini),Amina (La Somnambule, Bellini, Gilda (Rigoletto, Verdi), Olympia (Les Contes d’Hoffmann, Offenbach), Marie (La fille du Régiment, Donizetti), et les rôles titres de Lucia Di Lammermoor et Lakmé.

Cependant, aux yeux du public qui l’associe à la légèreté de son répertoire, elle restera un poids plume dans l’histoire du Met. Cette réputation d’inconsistance sera renforcée par son apparition dans trois films musicaux – I Dream Too Much (1935) aux côtés d’Henry Fonda, That Girl from Paris (1936) et Hitting a New High (1937), les deux derniers en tandem avec Lucille Ball.

Pour être juste avec Lily Pons, il faut malgré tout lui reconnaitre une voix miraculeuse, qui monte jusqu’au contre-fa, et l’une des techniques les plus éprouvées du siècle. Elle fut une artiste merveilleuse, et à l’issue de chaque représentation, le public, comme Gatti-Casarra, avait le sentiment d’en avoir eu pour son argent.

Elle meurt à Dallas le 13 février 1979

BIANCO

Par Jean Ziegler 

René Bianco est né à Constantine (Algérie) le 21 juin 1908.

Ses parents le destinaient à être fonctionnaire municipal, mais, dès son plus jeune âge, il ne pense qu’à hanter les coulisses du théâtre de sa ville natale. Alors on finit par y adopter ce petit bonhomme. On en fait un accessoiriste, un figurant puis, comme il a une bonne oreille, un choriste, mais, quoi qu’il ne fasse rien pour se mettre en avant, il s’impose par une voix puissante et belle.

On l’envoie d’office au Conservatoire. Il travaille d’arrache-pied et y glane tous les prix. Tant et si bien qu’il débute en 1934 à Bône dans Basile du Barbier de Séville, un rôle de basse. Mais c’est bien en baryton (Rigoletto, Tonio, Alfio,…) qu’il fait ses premières tournées en Afrique du Nord.

En 1940, il entre à l’Opéra d’Alger. En 1942, il fait des incursions remarquées en Avignon, à Marseille et même jusqu’à Lyon, puis revient au pays où il est devenu une vedette. Tout cela jusqu’au jour où Fred Bordon, superbe basse, célèbre Méphisto, présente le jeune phénomène à Georges Hirsch, patron de la R.T.L.N., qui, après une audition marathon, l’engage sur le champ.

Le 2 mai 1948, salle Favart, il chante Dappertutto, le lendemain, au Palais Garnier, il chante Telramund. Ce départ sur les chapeaux de roues sera l’image même de la carrière de cet immense artiste, passionné par son art, de cet homme aimable et bon qui savait aussi bien incarner les bons pères, les héros que les pires canailles et les êtres odieux, fier d’appartenir a deux grandes maisons d’opéra parisiennes au point, pour ne pas les trahir, de refuser des offres les plus flatteuses.

Salle Favart, il est Escamillo, Tonio, d’Orbel, Scarpia, Zurga, Alfio, les quatre méchants des Contes d’Hoffmann, et crée Dolorès de Michel Maurice Lévy. Au Palais Garnier, il est Le Grand Prêtre de Dagon, Karnak, Valentin, Athanaël, Rigoletto, Iago, Amonasro, Ashton, Le Hollandais, René du Bal Masqué, Iokanaan, Scarpia, Rangoni, Bolivar, Kurwenal, Pizarro. Et qui oubliera ce  » père  » de Louise qu’il jouait et chantait mieux que quiconque à 70 ans passés ! Son importante activité à Paris ne lui fait pas négliger la province où il est l’un des artistes favoris du public ; en plus de tous ces grands parisiens, il y chante un inoubliable Chemineau (Xavier Leroux).

Selon les opportunités il chantait ses rôles en français, en italien ou en allemand. Cette aptitude liée à une voix puissante, malléable et très longue (un vrai baryton Verdi mais aussi un authentique baryton-basse), une musicalité infaillible et son réel talent d’acteur firent de lui l’un des plus brillants ambassadeurs du beau chant français à Budapest, à Genève, à Lisbonne, à Florence, à Bologne, outre-atlantique et bien sûr outre-Quiévrain. Homme bon et modeste, artiste accompli, le chanteur est devenu, le jour venu, un professeur accompli, adoré de ses élèves.à

René Bianco est décédé le 23 janvier 2008 à presque 100 ans, à Charbonnières-les-Bains .

 

MESPLE-2

Encore une magnifique et populaire diva française qui excellait dans tous les répertoires : opéra, opérette, musique sacrée, musique contemporaine, musique de variété, la soprano-colorature Mady Mesplé, qui vient de nous quitter.

Mady Mesplé est décédée à Toulouse, sa ville natale,
le 30 mai 2020 à l’âge de 89 ans des suites de la maladie de Parkinson qui l’handicapait fortement depuis plusieurs années.

Après avoir étudié très jeune, dès l’âge de 4 ans, le solfège, puis le piano dont elle obtiendra un premier prix au conservatoire de Toulouse, Mady Mesplé décide de monter à Paris, pour étudier le chant, ce qu’elle fera dans la classe de l’éminente soprano Jeanine Micheau.

Titulaire d’un premier prix de chant Mady Mesplé passe haut la main une audition et débute à Liège à l’âge de 22 ans, dans Lakmé de Léo Delibes où sa voix cristalline fait merveille.

C’est à Liège qu’elle chantera pour la première fois la plupart des rôles de son répertoire de colorature, avant de se produire au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, à Lyon et en 1956 au Festival d’Aix en Provence. Cette même année 1956 l’Opéra Garnier lui ouvre ses portes avec le rôle de Constance du Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc. Mady Mesplé s’illustrera dans les rôles du répertoire français, italien et allemand.

En 1962, Mady Mesplé remplace au pied levé Joan Sutherland dans Lucia di Lammermoor au festival international d’Edimbourg.

A l’Opéra-comique elle participe à la création de Princesse Pauline d’Henri Tomasi, du Dernier Sauvage de Gian Carlo Menotti en 1963, et reprend Les Noces de Jeannette de Victor Massé. Puis elle entreprend une triomphale tournée internationale qui débute avec Lakmé à Miami et la conduira à Madrid, Lisbonne, Porto, Barcelone, Londres, Edimbourg, Amsterdam, Vienne, Munich, Seattle, Chicago, Dallas, le Met en 1972, le Canada, le Brésil, l’Argentine, la Russie où elle chantera notamment au Bolchoï, le Japon, la Serbie, etc.

Dans les années 1980 Mady Mesplé abandonne la scène de l’Opéra pour se consacrer aux concerts et à l’enseignement du chant.

De nombreux prix et décorations lui sont décernés, dont Le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en 2011 pour l’ensemble de sa carrière ; la Croix de Grand Officier de la Légion d’honneur en 2014, la Grand Croix de l’Ordre National du Mérite en 2019.

 

Ernest BLANC

Doté d’une voix brillante et puissante, le baryton français Ernest Blanc, était reconnu pour son art de la diction, fait de clarté et d’élégance, et son style d’une grande pureté. Né le 1er novembre 1923 à Sanary-sur-Mer il travaille comme employé à l’Arsenal de Toulon. En 1946 il est remarqué lors d’un concours de chant, ce qui l’incite à étudier au conservatoire de Toulon d’où il sort avec le prix d’excellence trois ans plus tard.

Ernest Blanc fait ses débuts à l’Opéra de Marseille avant d’être engagé en 1954 à l’Opéra Garnier où il obtient un grand succès dans le rôle de Rigoletto (Verdi). C’est le début d’une grande carrière internationale sur les scènes du monde entier : Covent Garden, Chicago, Festival de Glyndebourne, Édimbourg, San Francisco, Opéra de Paris, Naples, Milan. En 1958 il interprète au Festival de Bayreuth le rôle de Telramund dans Lohengrin (Richard Wagner), dirigé par André Cluytens aux côtés d’Astrid Varnay (Ortrud), rôle qu’il reprend l’année suivante.

Son répertoire, extrêmement vaste, comprend des œuvres de Debussy, Charpentier, Massenet,  Bartók,  Bellini, Verdi, Mozart,  Wagner,  Saint-Saëns,  Berlioz… Ernest Blanc cesse de chanter en 1987.

Durant sa longue carrière qui aura duré plus de 40 ans, il a enregistré, accompagné par les plus grands chefs (Sir Thomas Beecham, André Cluytens, Georges Prêtre…), de nombreuses intégrales (André Chénier, Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Les Cloches de Corneville, Hérodiade, La Damnation de Faust, Lohengrin, Samson et Dalila, Tosca…, entouré des artistes les plus célèbres: Victoria de Los Angeles, Nicolaï Gedda, Janine Micheau, Mario Del Monaco, Nicolaï Gedda, George London, Joan Sutherland, Jon Vickers, Rita Gorr, Alain Vanzo, Régine Crespin, Robert Massard, Mady Mesplé…

Ernest Blanc est mort à 87 ans le 22 décembre 2010.

DEVIEILHE

Révélation lyrique aux Victoires de la musique classique en 2013, la soprano Sabine Devieilhe s’affirme comme l’une des voix françaises les plus prometteuses de sa génération.

Née le 12 décembre 1985 à Caen (CalvadosSabine Devieilhe étudie le violoncelle au Conservatoire de Caen, puis la musicologie à Rennes où elle est également membre des chœurs de l’opéra de Rennes. Elle participe comme choriste à une production du Vaisseau fantôme de Richard Wagner en 2002. Sa voix de colorature est louée et elle devient soliste. En 2008, elle entre au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris dans la classe de chant de Pierre Mervant et obtient trois ans plus tard un Premier prix à l’unanimité avec les Félicitations du Jury.

Membre de plusieurs ensembles professionnels tels que Pygmalion et Les Cris de Paris, elle découvre un vaste répertoire, de la musique ancienne à la musique contemporaine. Sabine Devieilhe affectionne particulièrement le lied et la mélodie et se produit en récital aux côtés de la pianiste Anne Le Bozec.

Sa rencontre avec Jean-Claude Malgoire et Alexis Kossenko lui permet de s’essayer en soliste au répertoire baroque, notamment lors des Festivals d’Utrecht, de Bruges, à l’Atelier Lyrique de Tourcoing ou encore au Théâtre des Champs-Elysées. Plébiscitée par un public enthousiaste, elle multiplie les productions prestigieuses. En 2012, elle incarne notamment le rôle-titre dans Lakmé de Léo Delibes à l’Opéra de Montpellier.

Sabine Devieilhe succède à Julie Fuchs et incarne la saison suivante la Reine de la Nuit (La Flûte enchantée, Mozart) à l’Opéra National de Lyon et à l’Opéra National de Paris de Paris. En 2013, elle signe un contrat d’exclusivité avec le label de musique Erato et sort, avec l’ensemble  « Les Ambassadeurs » dirigé par Alexis Kossenko, son premier disque de récital consacré à Jean-Philippe Rameau.

En 2014, elle chante dans Lakmé de Léo Delibes, à l’Opéra-Comique. En 2016, avec l’Orchestre de chambre de Paris dirigé par Christopher Franklin et les chœurs Les Cris de Paris, elle chante Amina (La Somnambula, Bellini), au Théâtre des Champs-Elysées à Paris.

La critique est élogieuse à son égard et, le 2 février 2015, elle est élue « Artiste lyrique de l’année » aux Victoires de la musique classique. Le 23 février 2018, Sabine Devieilhe gagne deux Victoires de la musique classique : « artiste lyrique de l’année » et « enregistrement de l’année » pour son album Mirages, réalisé avec Alexandre TharaudFrançois-Xavier Roth et Les Siècles.

En décembre 2018, elle interprète le rôle d’Ophélie (Hamlet, Ambroise Thomas) à la Salle Favart.

  

THILL

Par Jean Ziegler

Un jour de 1925, un jeune homme se présenta devant un cornet acoustique pour enregistrer le Lied d’Ossian du Werther de Massenet, dans une petite salle de la rue Rochechouart à Paris, face à un petit orchestre que dirigeait Maurice Frigara. Miracle ! En trois minutes l’air célèbre était «dans la boite», superbe, parfait ! Ce jeune homme s’appelait Georges Thill. Débutant à l’Opéra de Paris, il venait de remporter un triomphe en remplaçant « au pied levé » Léon Laffitte, souffrant, dans le rôle-titre du Faust de Gounod. Après une audition qui avait laissé pantois le compositeur Georges Van Parys, qui l’avait accompagné pendant les répétitions, et les chasseurs de talents de la Columbia, la célèbre firme lui signe un contrat d’exclusivité pour trois ans.

Philippe Parès, l’un de ses découvreurs, écrira dans un livre de souvenirs : « Je crois pouvoir dire que Columbia a fait avec Thill, une bonne affaire, de même je crois sincèrement que Thill, lui aussi, a fait une bonne affaire avec Columbia, car sa renommée s’est trouvée décuplée par la vente de ses disques dans tous les pays du monde. » Il ne croyait pas si bien dire, car, après Caruso, Georges Thill a sans doute été parmi les ténors d’opéras un des plus grands « vendeur de disques ».

« Un miracle ! » ai-je écrit plus haut ? Sans doute, cette voix était fondamentalement phonogénique, mais aussi le fruit d’un patient travail pour aboutir à une projection vocale maîtrisée, une élocution parfaite et une musicalité infaillible. En bref, une facilité d’enregistrer qui se révéla une véritable aubaine pour la firme éditrice. Coïncidence heureuse, l’apparition de l’enregistrement électrique permit d’accompagner tout de suite l’artiste avec des orchestres importants et de restituer l’atmosphère du théâtre ou de la salle de concert.

Georges Thill a chanté dans sa carrière théâtrale plus de cinquante rôles et au concert plusieurs centaines d’airs, de mélodies, mais c’est bien dans les airs, mélodies et rôles français qu’il fut incomparable, donnant toute sa mesure dans les œuvres de Gounod : Faust, Roméo et Juliette, ainsi que dans la centaine de mélodies qu’il avait à son répertoire. En 1929, il a gravé de Faust,« la cavatine » avec un orchestre dirigé par Eugène Bigot, le trio final avec Marise Beaujon et Fred Bordon, direction Philippe Gaubert, et de Roméo et Juliette, la scène du tombeau avec Germaine Féraldy, direction Szyfer.

En 1931, ce fut l’acte 1 de Faust avec Fred Bordon, direction Eugène Bigot. En 1932, Faust, « la scène du jardin » avec Marthe Nespoulous et Fred Bordon, direction Bigot. En 1933, « Anges du Paradis » extrait de Mireille, direction Bigot, « Medjé », chanson arabe, direction Bigot. Et en 1942, « O ma belle rebelle », sur un poème de Baïf, avec au piano Joseph Benvenuti. C’est lui qui fut choisi pour célébrer, à l’Opéra de Paris, la 2000ème de Faust, le 31 décembre 1934,sous la direction de Philippe Gaubert. La nuit des 31 étoiles! Villabella, Cambon, Nespoulous, Lapeyrette… toute la troupe était là.

Cet album nous fait revivre, à travers Georges Thill, ce que fut le modèle du ténor « demi-caractère » français,dans sa simplicité, sa clarté et son émotion. Si Enrico Caruso est considéré comme le plus illustre ténor de tous les temps, Georges Thill demeure le plus célèbre ténor français, l’un comme l’autre devant au disque l’étendue et la pérennité de leur renommée. Et l’on associera au nom de Georges Thill la notionde ce qu’il a été par-dessus tout, le plus bel exemple de ténor demi-caractère français, ce type de voix qui se situe à mi-chemin du ténor héroïque et du ténor léger.

Bien sûr, il a chanté Wagner et Rossini (Guillaume Tell), et souvent avec le plus grand bonheur ; mais c’est tout de même dans ce répertoire allant de Gluck à Henri Rabaud qu’il a donné le meilleur de lui-même et que ses disques demeurent des modèles, dans un art fait de clarté pour la diction, l’élégance du style etla sensibilité.

Et bien sûr, sans oublier ses Faust (Berlioz etGounod), ses Roméo, Don José, Julien ou Gérald, c’est tout naturellement vers Massenet que l’on se tourne pour mesurer pleinement ce que fut l’apport artistique de Georges Thill. On se souvient que c’est dans le rôle de Nicias de Thaïs, qu’il fit ses vrais débuts, le 24 février 1924, à l’Opéra de Paris ; il y sera peu après Jean d’Hérodiade. L’année suivante, après une mémorable audition, il est engagé par la Columbia, représentée en France par la société Couesnon, et enregistre quatre morceaux : Carmen, La Damnation de Faust et deux airs de Werther.

En 1925, l’enregistrement électrique n’est pas encore généralisé en France. Le chanteur est face au cornet, entouré d’un orchestre réduit. La moindre erreur, et il faut tout recommencer. Mais Thill est infaillible, il est calme et concentré, sa diction est impeccable et le timbre de sa voix incroyablement phonogénique. L’enregistrement électrique simplifiera les tâches, accélérant le développement du disque.

Thill enregistre à la suite l’air de Jean « Ne pouvant réprimer les élans de la foi », ainsi que deux duos de Manon, « J’ai marqué l’heure du départ » et « le duo de Saint Sulpice », avec la charmante Mary Mac Cormic. Entre deux tournées, il se retrouve régulièrement en studio. En 1930, de Massenet il grave « Pensée d’automne », avec Maurice Faure au piano, puis l’air de Jean, extrait de Sapho, sous la direction d’Eugène Bigot ; en 1932 ce sera, avec orchestre, « l’Elégie », superbe aria écrite pour violoncelle, et « Nuit d’Espagne », transcription d’un air de ballet tiré des Scènes pittoresques, avec Maurice Faure au piano ; puis viendra surtout l’intégrale de Werther avec Ninon Vallin, sous la direction d’Elie Cohen ; en 1933, deux extraits du Cid, magnifique opéra trop rarement joué, deux airs que Thill aimait chanter en concert, et avec quelle noblesse ! , « O noble lame étincelante ! » et « Ah ! Tout est bien fini ! », l’orchestre étant dirigé par Eugène Bigot ; en 1937, toujours avec Bigot, remarquable musicien, au pupitre, deux extraits de Manon, « Le Rêve » et l’air de Saint Sulpice.

Tel s’est construit au fil des années ce corpus où, subtilement comme indissolublement, sont liés le génie d’un compositeur et l’infaillible instinct de l’interprète. En prime, nous pouvons entendre l’un des tout premiers morceaux gravés début 1925 par le très artisanal système acoustique : le fameux lied d’Ossian de Werther. Le 78 tours originel est une pièce extrêmement rare, très recherchée par les collectionneurs.

Le nom de Georges Thill est en général considéré comme synonyme de ténor demi-caractère français. De l’Admète de Gluck au Mârouf d’Henri Rabaud, il s’est en effet particulièrement illustré dans des rôles tels que les Faust de Gounod et de Berlioz, Raoul des Huguenots de Meyerbeer, Roméo, Werther, Don José, Des Grieux, Gérald,…. Mais dès le début de sa carrière, comme on le verra plus loin, il abordera le répertoire italien, et plus tard certains grands rôles du répertoire wagnérien.

Notons que, comme il était de règle à l’époque, il chanta tous ces rôles en français sur les scènes francophones où il se produisit, alors qu’il utilisait les versions originales lorsqu’il était invité à l’étranger. Le 15 janvier 1924, Georges Thill est auditionné par Jacques Rouché à l’Opéra de Paris. Il chante notamment les grands airs de l’Africaine et des Huguenots. A l’issue de la séance, le directeur et mécène du Palais Garnier l’engage en le prenant à l’essai avec un contrat du Conservatoire.

Le 24 janvier 1924, il débute dans Thaïs, rôle de Nicias, aux côtés de Geneviève Vix et Jean-François Delmas. Viennent ensuite des petits rôles qui permettent au jeune homme de se familiariser avec la scène du grand Théâtre parisien : un homme armé dans La Flûte Enchantée, un écuyer dans Parsifal, Matteo Borsa dans Rigoletto, Borso dans Monna Vanna, Zorn dans Les Maître-Chanteurs de Nuremberg. Enfin, en septembre 1924, il est affiché dans le Duc de Mantoue, son premier grand rôle, un rôle du répertoire italien. Son élégance, son panache et ses aigus percutants lui valent une ovation. Quelques jours plus tard, dans ce même rôle il est victime d’une défaillance (il avait chanté Faust la veille dans un théâtre de banlieue) on lui retire donc le rôle.

La chance veut que mi-novembre de la même année on donne Rigoletto au Trocadéro et que le ténor soit soudain aphone. On fait appel à Georges Thill en dernière minute et, oubliée la défaillance, il fait un triomphe qui lui vaudra de devenir un titulaire duDuc de Mantoue qu’il chantera notamment le 10 août 1925 pour la 500ème de Rigoletto à l’Opéra de Paris, aux côtés de Marguerite Monsy et Marcelin Duclos, sous la direction d’Henri Büsser. Georges Thill a enregistré plusieurs extraits de Rigoletto sous la direction de ce chef : en 1936, la ballade du 1er acte et « Comme la plume au vent », dans la version chantée par le Duc à la fin de l’acte IV, lorsque Rigoletto découvre sa fille assassinée; en 1937, le duo de l’acte 1 « Vois à tes pieds… », avec Vina Bovy.

Le 20 juillet 1925, Georges Thill se voit confier le rôle de Radamès aux côtés de l’Aïda de Marcelle Demougeot. C’est un nouveau triomphe qui se renouvelle une semaine plus tard, puis de nombreuses fois par la suite. Il a enregistré « Céleste Aïda » en 1930, sous la direction d’Eugène Bigot.

Le 24 décembre 1926, l’Opéra de Paris donnait pour la première fois La Traviata de Verdi dans sa version française d’Edouard Duprez; Violetta était chantée par Fanny Heldy, Edouard Rouard était d’Orbel, et Georges Thill était Rodolphe, Henri Büsser étant au pupitre. Un triomphe pour une telle distribution et en particulier pour le jeune et ardent ténor, qui chantera très souvent le rôle de Rodolphe d’Orbel, toujours avec le même succès. Il a gravé plusieurs extraits de ce bel opéra : l’air « Je suis aimé de toi » extraitde l’acte II en 1927 sous la direction d’ Heurteur ; en 1936, le brindisi de l’acte I, avec Vina Bovy, sous la direction de Philippe Gaubert, et le duo « loin de Paris » de l’acte IV avec Vina Bovy, sous la direction d’Henri Busser ; en 1937, le duo « Un jour pour charmer ma vie » de l’acte I avec Vina Bovy, sous la direction d’Henri Büsser.

Le 25 mai 1930, Georges Thill a chanté en italien au Colon de Buenos Aires le rôle-titre de Don Carlo, aux côtés de Carla Jacobo, Tancredi Pasero et Carlo Galeffi. Enfin, si Georges Thill n’a jamais chanté sur scène ni en concert le rôle-titre d’Othello, il a enregistré en 1943, sous la direction de François Ruhlmann, une sélection de ce chef-d’œuvre, dans la version française de Du Locle et Boïto, avec à ses côtés la jeune Jeanne Ségala, récente premier prix du Conservatoire. José Beckmans, célèbre Iago, et Madeleine Sibille. Ce disque nous restitue Georges Thill à différents stades de sa carrière se mettant, cœur et voix ,au service du génie de Verdi.

VALLIN

Par Guy Dumazert

Dès l’enfance, grâce au disque, j’ai vénéré, adoré Ninon Vallin. Et les siens abondaient !  Dès que je le pouvais, je courais à ses concerts. Par la suite, j’ai eu même l’honneur de la connaître, de la fréquenter. En 1943, par la radio, je l’ai entendue dans le rôle de Carmen, qu’elle jouait à l’Opéra de Lyon. Après la libération de Paris, elle donna, entre autres, un récital de mélodies au Théâtre des Champs-Elysées, avec Reynaldo Hahn au piano. On refusa du monde. Sa carrière fut longue. Certes ce n’était plus la voix ensorcelante des années 1916 -1930, quand elle triomphait en Amérique du Sud, dans les emplois les plus ardus, aux côtés des chanteurs les plus célèbres du monde.

Ambassadrice de l’art lyrique français, rôle que, grâce à la mélodie, elle put tenir avec éclat jusqu’à la fin de sa vie. Dès que je fus en mesure de le faire, je lui demandai d’enregistrer quelques lieder, des extraits d’opérettes, et les deux principaux passages de « la Damnation de Faust » ; une Marguerite de rêve ! Puis, avec l’aide de son ami le poète André de Badet, nous l’invitâmes à égrener quelques souvenirs. Avec une voix qui rayonnait d’une éternelle jeunesse, elle enregistra des fragments d’airs et d’œuvres qu’avait oubliés sa généreuse discographie : Alceste, « la mort de la Manon » de Massenet, l’Elisir d’amore, Don Pasquale, et surtout une phrase du Martyre de Saint-Sébastien, qu’elle avait créé en 1911 au Théâtre du Châtelet, à la demande et pour la plus grande joie du compositeur, ébloui par le timbre de sa voix et son phrasé si inventif, si poétique.

L’interview étant inédite en CD, apporte un élément important à la discographie de cette grande dame, et un vivant hommage à son art subtil et radieux.

LUBIN

Interprète favorite de Gabriel Fauré, véritable idole des scènes d’opéra de l’entre deux guerres, déesse inaccessible, la soprano préférée d’Hitler, Germaine Lubin, fut une des plus grandes cantatrices françaises et connut un étrange et dramatique destin.

Née le 1er février 1890 à Cayenne, d’une mère française et d’un père guyanais, pharmacien et musicien auteur-compositeur, qui lui enseigne le piano dès l’âge de six ans, elle part avec ses parents s’installer à Paris où elle entreprend des études de chant.

A dix huit ans, Germaine Lubin se présente au Conservatoire national de musique et de déclamation, où elle est reçue à l’unanimité et fait l’admiration de Gabriel Fauré.

De 1909 à 1912, elle suit l’enseignement de la soprano russe Félia Litvinne et de la soprano allemande Lilli Lehmann (La plus grande technicienne du chant selon Reynaldo Hahn).

Sa beauté sculpturale, sa taille haute et élancée, ses yeux bleus et sa chevelure blonde, la prédestine d’emblée à incarner les grandes héroïnes wagnériennes.

Elle remporte trois premiers prix et débute le 13 novembre 1912 à l’Opéra-Comique dans le rôle d’Antonia (Les Contes d’Hoffmann, Offenbach).

En 1913, elle épouse Paul Géraldy, auteur du recueil de poèmes Toi et Moi, dont Germaine Lubin est probablement l’inspiratrice. De leur amour naît un fils qui se suicidera en 1953.

Elle rejoint le Palais Garnier en 1914 où elle effectuera toute sa carrière jusqu’en 1944. Elle y interprète de nombreux rôles lyriques tels que Marguerite (Faust, Charles Gounod), Thaïs de Jules Massenet, joue le rôle de Camille (Zampa ou La fiancée de marbre, Ferdinand Herold), celui de Koethe (Le Pays, Guy Ropartz) avant d’aborder des rôles plus lourds, comme Aïda,  Aïda, Verdi), et Salammbô, de Reyer, Marguerite de La Damnation de Faust de Berlioz et ses premiers Wagner : Elsa, Élisabeth, Éva, Sieglinde.

Sans cesse en quête de perfection, elle travaille à parfaire sa voix et ses rôles tout au long des années vingt, avec le ténor et pédagogue d’origine polonaise, Jean De Reszké, qui fut la grande star du Met avant l’arrivée de Caruso,  et avec Félia Litvinne et Lilli Lehmann.

Sa voix, devenue un fleuve immense et somptueux, aux grave et médium de velours et à l’aigu lumineux, lui donne accès aux grands rôles dramatiques : Donna Anna, la Maréchale, Alceste, Iphigénie, Fidélio, Brünnhilde, Kundry et Isolde, « le rôle de sa vie », qu’elle chante pour la première fois en 1930, en français, et dont elle assure en allemand une triomphale centième au Palais Garnier en 1938 sous la direction de Wilhelm Furtwängler.

Diva internationale, elle est ovationnée sur toutes les grandes scènes européennes. En 1938, sa Kundry, interprétée sous la direction de Franz von Hoesslin à Bayreuth, fait d’elle une véritable idole.

Elle est reçu à la villa Wanfried par Winifred Wagner, qui la présente à deux hôtes intimes, Hitler et Goebbels.

Cette même année, elle a rejoint la « section des artistes » du Parti populaire français, organisation d’extrême droite radicale créée en 1936 par Jacques Doriot.

Elle est invitée l’année suivante, en août 1939, pour chanter sous la direction de Victor de Sabata encore une fois Isolde, mais à Bayreuth.

Hitler, qui assiste au concert, la complimente : « De toute ma vie, je n’ai jamais vu ni entendu une telle Isolde ».

Dans le Paris de 1940, occupé par les AllemandsJacques Rouché essaye de rouvrir l’Opéra et invite Germaine Lubin à revenir chanter Alceste. Suivent les représentations de Fidelio et de Der Rosenkavalier.

Le 22 mai 1941, elle chante à nouveau Isolde, cette fois avec la troupe de la Staatsoper de Berlin en visite à Paris, sous la direction de Herbert von Karajan.

La représentation, qui célèbre le centième anniversaire de la naissance Richard Wagner, a lieu en présence de Winifred Wagner et s’inscrit dans un programme de propagande collaborationniste organisée par le Secrétaire d’état Fernand de Brinon.

Germaine Lubin devient une des vedettes de Radio Paris puis de Radio nationale.

Elle ne rompt pas ses amitiés nouées avant guerre avec des Allemands. Au printemps 1942, elle se produit au musée de l’Orangerie lors d’un concert clôturant l’exposition d’Arno Breker, sculpteur étroitement lié aux dirigeants nazis.

Elle déclarera après guerre avoir accepté cette participation pour obtenir la libération de Maurice Franck, juif et chef des chœurs à l’Opéra.

En 1944, Germaine Lubin est arrêtée et emprisonnée à Drancy.

Des charges de collaboration avec l’ennemi sont retenues contre elle et elle est transférée à Fresnes. À l’issue de son procès, en 1946, elle est lavée de cette seule accusation mais pas d’avoir livré à la Gestapo son jardinier et sa femme, qui étaient des sympathisants de la Résistance.

Son argument que ces domestiques lui servaient d’intermédiaires pour aider des individus persécutés par le régime ne convainc pas. Si elle a en effet pu avancer les témoignages de plusieurs personnes qu’elle avait aidées pendant la guerre, elle n’en est pas moins frappée d’indignité nationale à vie, dans un contexte politique appelant à « apaiser la tension populaire ».

Interdite de séjour en France, ses biens sont confisqués. En 1947, après trois années de prison, elle trouve refuge chez des amis en Suisse, puis en Italie. Pour sa part, elle continuera de nier tout lien avec l’Allemagne nazie, et gardera une grande amertume de la façon dont le gouvernement français l’a traitée :

« J’ai souffert d’une énorme injustice, déclara-t-elle. Mon propre peuple m’a volé dix ans de carrière ! C’est un fait que je connaissais certains Allemands quand ils sont venus à Paris pendant l’Occupation. Cela a donné à mes ennemis une occasion de satisfaire leur jalousie… Si j’ai vu les Allemands à Paris – et ils ont été plus que corrects avec moi – c’était pour sauver mes compatriotes. C’était ma façon de servir mon pays dans ce moment difficile. Personne ne saura combien de prisonniers j’ai fait libérer… Quand j’ai passé trois ans en prison, on a confisqué mon château à Tours avec mes biens. Quelqu’un s’est-il donné la peine de me demander pourquoi je n’ai pas accepté les invitations de Winifred Wagner pour chanter en Allemagne pendant l’Occupation ? Mais mon procès n’a été rien d’autre qu’une basse vengeance : j’ai été complètement effacée. Il est vrai qu’on m’a rendu la plus grande partie de ce qu’on m’avait pris. »

Elle déclarera lors d’un entretien donné au Quotidien de Paris en 1974 : « Je crois qu’on m’a fait payer très cher les dons que j’avais reçus et que je n’ai pas su faire oublier. »

Après guerre, sa condamnation à l’indignité nationale à vie est ramenée à cinq ans, et en 1950 ses biens lui sont en partie restitués et l’interdiction de séjour est limitée au département de l’Indre-et-Loire.

A soixante ans, sa voix n’étant plus ce qu’elle était, elle renonce à la scène et se consacre à l’enseignement du chant. Elle forme notamment Régine CrespinUdo Reinemann et Jocelyne Taillon.

Germaine Lubin meurt à Paris le 27 octobre 1979. Elle est enterrée à Tours dans l’anonymat le plus complet.

CALVE

Née à Decazeville (Aveyron) le 15 août 1858 Rosa, Noémie, Emma Calvet, dite Emma Calvé, s’illustra notamment dans le rôle-titre de Carmen de Bizet. En exerçant, sans la moindre retenue, son pouvoir de séduction elle fut la première soprano à faire fi des règles de la bienséance pour redonner de l’allant à un opéra quelque peu figé.

« Cette Carmen superstitieuse, hédoniste, cette bonne à rien est attirée par tout ce qui brille et n’a d’autre pouvoir que son pouvoir de séduction. La scène de sa mort est également atrocement réaliste. Voir Calvé s’effondrer à terre en un amas de chair morte procure une sensation semblable à celle que l’on doit éprouver quand on assiste à un meurtre. », écrivit le 30 mai 1894 le dramaturge britannique George Bernard Shaw.

Bien dans son corps et sure de son pouvoir de séduction, dotée d’une voix enjôleuse et souple servie par une grande sensibilité dramatique, Emma Calvé donna enfin vie à Carmen. Elevée dans les Causses du Larzac, elle suit les cours de Mathilde Marchesi et de Rosine Laborde à Paris et les derniers cours de Jean-Baptiste Caylus à Bruxelles où elle débute à La Monnaie en 1882 dans le rôle de Marguerite de Faust (Gounod).

La carrière d’Emma Calvé en vamp de l’opéra par excellence débute en 1890, presque dix ans après ses débuts en 1881 à Bruxelles dans le rôle de Marguerite. Lors de son second passage à la Scala de Milan, dans le rôle d’Ophélie (Hamlet, Ambroise Thomas), elle fut catapultée vers la gloire et engagée pour chanter Santuzza (Cavalleria Rusticana, Mascagni). Le compositeur fut tellement impressionné par sa prestation qu’il l’invita à Rome pour créer le rôle de Suzel.

A partir de là, elle devint la coqueluche de Londres et de New York, où ses apparitions dans le rôle de Santuzza mais surtout de Carmen la transformèrent en légende vivante. Sa large tessiture lui permet de passer des emplois de soprano lyrique à ceux de soprano dramatiqueMassenet crée pour elle le rôle d’Anita dans La Navarraise et lui confie celui de Sapho dans l’opéra du même nom.

Carmen, qu’elle chantera plus de mille fois, suffira à établir sa célébrité, notamment aux États-Unis. A New York, elle entonne La Marseillaise,  en 1916, devant 30 000 personnes. Adulée dans le monde entier, Calvé vit « comme une reine ». Elle chante en Inde, au Japon, en Australie. Elle fréquente régulièrement le salon littéraire de Geneviève Halévy où elle rencontre RéjaneLucien Guitry et le romancier Paul Bourget.

On trouve même sa photographie dans les tablettes de chocolat Poulain. Elle crée une école de chant dans le château de Cabrières, près de Compeyre, qu’elle acquiert en 1894, et revend à un industriel gantier quelques années plus tard. En 1904, à l’occasion de la millième de Carmen, elle renonce à l’opéra, tout en continuant jusqu’en 1926 à donner des concerts dans le monde entier.

Réputée pour sa personnalité dynamique, passionnée d’hindouisme et d’occultisme, elle passe pour fréquenter le cabaret du Chat noir, à Paris, en compagnie d’Alfons Mucha, de Papus, qui en 1893 l’initie au martinisme, en même temps que Camille Flammarion et que l’écrivain Jules Bois avec lequel elle vit une longue liaison tumultueuse.

En 1931 elle est faite Chevalier de la Légion d’honneur. En novembre 1941, Emma Calvé entre à la clinique du Dr Parès à Montpellier et meurt d’un cancer du foie le 6 janvier 1942 à l’âge de 83 ans. Elle est enterrée dans le cimetière de Millau.

La Principauté de Monaco lui a rendu hommage en émettant un timbre-poste à son effigie, en 2017 et la Ville de Paris en baptisant « Emma Calvé » un passage du 12ème arrondissement.

VANZO

Par Jean Ziegler

Alain VANZO est né à Monaco le 2 avril 1928. Son père est infirmier à l’hôpital de la Principauté.

A quatre ans, il est soliste dans les chorales d’église, notamment dans celle de la paroisse Saint Charles à Monaco. Très mûr pour son âge, il a conscience qu’aîné d’une famille de trois enfants aux ressources très modestes il doit utiliser ses dons pour aider à « faire bouillir la marmite ».

Il apprend seul à jouer de l’accordéon et de la batterie. Il loue les instruments et, avec des copains, crée un petit ensemble, Le Bastringue, et court les cachets dans les brasseries et cafés locaux.

Par hasard, un professeur de chant à la retraite, Madame Audouard l’entend chanter.

Abasourdie par la beauté de cette voix qui, sans règle, ni contrôle, court à sa perte, cette dame décide de s’occuper bénévolement de ce jeune phénomène. Pendant un an, des vocalises, des sons filés, pas même la permission d’étudier un seul air, dure école qui portera ses fruits.

Vint ensuite le service militaire à Chambéry dans une unité musicale. Libéré, il monte à Paris, s’intègre dans un orchestre tsigane où il joue de tous les instruments et chante les airs à succès.

Dans la journée il travaille dur avec Rolande Darcoeur. Il décroche une « doublure » de Luis Mariano dans Le Chanteur de Mexico au Châtelet et en profite pour découvrir par lui-même les mille et un secrets de la mise en scène.

En 1954, il participe au concours de ténors organisé à Cannes par Mario Podesta. Parmi les cinq lauréats – Roger Gardes, Tony Poncet, Gustave Botiaux, Guy Chauvet et lui-même – il emporte le prix du ténor lyrique.

Alain Vanzo est immédiatement engagé à l’opéra et à l’opéra-Comique où il débute dans de petits rôles avant de s’emparer en 1957 du Duc de Mantoue au palais Garnier et de Nadir salle Favart et d’y faire des triomphes.

Vinrent ensuite de part et d’autres ainsi qu’en province tous les rôles du répertoire de l’époque : Ottavio, Le Chanteur italien, Alfredo, Cassio, Gustave III, Edgardo lors des fameuses Lucia di Lammermoor de Joan Sutherland (« un partenaire idéal » dira-t-elle), Gérald, Des Grieux, Pinkerton, Rodolphe, Mylio, Turrido.

Selon une évolution intelligemment contrôlée et sans rien perdre de son charme inimitable, le ténor lyrique se muera au fil du temps en ténor plus corsé ; il abordera Werther à 40 ans, Don José à 45 ans.

En 1976, il est engagé comme doublure de Faust aux Etats-Unis ; la doublure fait vite oublier le titulaire. En une soirée, il est le grand Faust international. A 48 ans, l’ex-petit choriste monégasque est devenu une star et parcourt l’Europe entière et les deux Amériques.

Alain Vanzo ne s’est pas contenté d’être l’interprète idéal de grands compositeurs, il a lui-même écrit des mélodies, des airs religieux ainsi qu’une opérette, Les Pêcheurs d’Etoiles, créée à Lille en 1971, et un opéra d’après Balzac, Les Chouans en 1982 à l’opéra d’Avignon.

Alain Vanzo est mort le 27 janvier 2002 d’une attaque cérébrale, alors qu’à 74 ans il était toujours en possession de ses moyens vocaux.

BOTIAUX

Par Jean-François GRA

Gustave Botiaux est né le 14 juillet 1926 à Puteaux. Valet de ferme dans le Morvan, il prend une part active au deuxième conflit mondial dans le maquis et découvre son goût pour l’Art lyrique en écoutant les représentations, l’oreille collée sur le poste de radio.

Il entre au conservatoire de Paris où malgré de sérieux ennuis de santé, il obtient son Premier Prix de Chant. Lauréat du fameux concours de ténors de Cannes en compagnie de Roger Gardes, Alain Vanzo, Guy Chauvet et Tony Poncet avec qui il lie une indéfectible amitié, il remporte aussi le Grand Prix international de Bruxelles, ce qui lui vaut d’être engagé au Théâtre de la Monnaie.

Il y est affiché dans Madame Buttefly, Samson, Hérodiade, Faust.
De retour à Paris, il est programmé dans le Chevalier à la Rose, Rigoletto, Faust et Aïda (reprise avec Suzanne Sarroca et René Bianco) au Palais Garnier, et dans La Tosca, Cavalleria Rusticana (Tony Poncet chante Paillasse en seconde partie) à la salle Favart.

Comment ne pas se souvenir du Roméo d’octobre 59 où le contre-ut du duel est suivi de dix-sept rappels, après une cavatine qui provoque d’interminables ovations.

À l’étranger, il chante La Tosca et Rigoletto à Riga, Faust à Leningrad, Aïda à Kiev et Carmen au Japon avec Jane Rhodes, Irène Jaumillot et Gabriel Bacquier.

La Province l’entend dans La Damnation de Faust, Lohengrin, La Fille du Far West, l’Africaine, Werther, Louise. Dominique Plessis le surnomme notre « Sigurd National ». C’est avec cet ouvrage qu’il entre dans l’histoire en l’interprétant notamment à Marseille, où il finit son grand Air « Esprits Gardiens de ces lieux vénérés » à genoux devant une assistance en délire.

Sujet fragile, malgré sa stature athlétique, il s’arrête près de quatre ans, reprend alors ses activités, aidé activement par Jean Giraudeau qui lui confie des représentations à l’Opéra Comique. À la dissolution de la troupe en 1973 par Rolf Liebermann, il préfère se retirer avec sa compagne Jacqueline Silvy, elle même soprano de l’Opéra, en Ardèche où il continue à adorer l’Opéra en partageant son temps entre l’écoute d’enregistrements avec des amis et ses activités proches de la nature.

Il laisse le souvenir d’un des chanteurs les plus doués de sa génération, ténor à la quinte aigue exceptionnelle et au timbre moelleux et rond. Digne successeur de Thill, Vezzani, Luccioni, il aurait mérité d’être épargné par les avatars de santé qui l’ont poursuivi durant toute son existence.

Il a enregistré des extraits de Carmen, Faust, La Tosca, Sigurd, Le Pays du Sourire et des récitals.

VEZZANI

Un ténor surdoué
Par Guy Dumazert

Avant même d’avoir terminé ses études au Conservatoire de Paris, le jeune Vezzani était engagé par Albert Carré à l’Opéra Comique, où on ne manquait pourtant pas de ténors. Il débutait le 17 décembre 1911 dans le rôle-titre de Richard Cœur-de-Lion.En quelques mois il jouait avec un grand succès : Carmen, Manon, Tosca, Paillasse, Cavalleria, Le Pardon de Ploërmel.

Il était parti pour une carrière ininterrompue de quarante ans, entravée par deux guerres mondiales. Dès 1912 la firme Odéon lui faisait enregistrer de suite un très grand nombre de disques, qui maintenant sont considérés par les collectionneurs et les amateurs de chant comme de vrais trésors. Malibran-Music a mis à son catalogue la plupart des enregistrements « électriques » de Vezzani (1926-1934) ; ce qui nous a valu une lettre enthousiaste de Monsieur J. Cruciani, professeur de lettres retraité, qui nous écrit de Porto-Vecchio. Nous passons sur ses compliments ; mais ses propos exaltéssur ce César du contre-ut, voire leur emphase toute méditerranéenne, ne sont pas sans poser de pertinentes questions.

- Une légende, certes. Un être haut en verbe et en couleurs. Un conquérant facétieux, dont le prénom, (peut-être d’origine étrusque), évocateur de couronnes et de tiares, n’est sans doute pas le fait du hasard : César. – Un mystère aussi : comment le jeune bastiais, ignorant tout de la grammaire, des littératures et des solfèges, a-t-il pu, brûlant même les étapes traditionnelles de l’apprentissage, devenir en trois ou quatre ans un des premiers ténors de Paris, convoité par l’Amérique ? Comment a-t-il pu entreprendre et réussir une carrière triomphale de quatre décennies, maîtrisant les rôles les plus divers, les plus difficultueux, sans fatigue apparente, grâce à une technique, à une registration parfaites ?

Comment, j’en peux témoigner, a-t-ilpu, la soixantaine venue, conserver cet éclat, mais aussi ces douceurs, ces demi-teintes ? Les disques sont là. Qui peut-on sérieusement lui opposer, dans Samson, dans Werther, dans Radamès, voire dans Siegmund ou Lohengrin ? A qui devait-il donc ces secrets merveilleux ? Cette justesse de ton, ce phrasé sobre et persuasif ?

A sa compagne, Agnès Borgo ; au Conservatoire de Paris, à l’époque encore roboratif ? En partie, sûrement. Pour l’abc, ou pour l’apprêt, la finition. Mais ils n’expliquent pas tout. D’où tenait-il vraiment les sortilèges essentiels de son art, ce mâle et sensible héritier des aèdes et des troubadours ? Sans doute à un insondable atavisme, à des effluves telluriques et fertilisants. INGENIUM : toutes les vertus qu’on apporte en soi, en naissant, tout ce qu’on peut amender, perfectionner, voire sublimer. Mais qu’on n’invente pas. INGENIUM : Le génie.”

Le problème Vezzani ainsi posé en termes poétiques, il convient de raison garder. Sans être un de ses intimes, je l’ai rencontré plusieurs fois dans ma jeunesse ; par la suite j’ai longuement œuvré pour la diffusion de ses disques et pour sa réhabilitation artistique. Je crois donc pouvoir apporter au dossier quelques éléments plus précis, présentés ici succinctement.

1. De récents travaux sur les enfants surdoués me semblent révélateurs. Souverain, quasi parfait dans son art, largement supérieur, en effet, à tous ses concurrents, il s’est trouvé mal à l’aise dans une société hostile. Visiblement dépourvu de toute souplesse manœuvrière, maladroit avec le directeur qui lui avait donné sa première chance, inapte à défendre ses intérêts matériels, en butte aux jalousies de concurrents plus rusés, etc, etc. Il s’est muré dans une situation atypique. Irremplaçable dans toutes les villes françaises ou nord-africaines où les amateurs de chant, encore connaisseurs, faisaient régulièrement appel à ses service insignes.

2. La guerre de 1914, brisant son essor, il a sans doute été moralement, encore plus affecté que d’autres.

3. Ecarté de Paris, fêté à Marseille et Alger, dernières citadelles du « Bel Canto » français, il s’est complu dans un personnage quasi tartarinesque; doué d’une santé de fer, dont il abusa, chantant à pleine voix en toute occasion, s’amusant, accumulant les succès et les gestes de solidarité, sans jamais penser au lendemain.

4. Il fut victime de la calomnie et d’un de ces complots, si fréquents dans d’autres activités professionnelles et particulièrement en politique. Dans sa confidentielle publication « Lyrica » Mercutio, (le reputé ténor Thomas-Salignac), artiste hors pair, mais affligée d’une voix ingrate, ne cite jamais son nom. Je l’ai entendu (en 1946, je crois), en superbe forme vocale, « auditionner » comme un débutant, enfilant dix-sept morceaux terrifiants (La Juive, Werther, La Reine de Saba…) devant l’inébranlable Louis Musy et une théorie de ténorinos blêmissants.

A la même époque, je réentends la superbe Germaine Hoerner, quichantait avec lui Faust à Rouen, s’écriant « Comment, il y a en France un pareil ténor, et on ne le savait pas ? On ne le savait pas, à Paris ! Comme ailleurs la médiocrité rampante triomphait.

On le faisait quasiment passer pour fou. Il ne l’était pas; simplement muré dans une bulle, dans un monde à lui, où seuls avaient placele chant, la joie de chanter et de vivre. Il reste un livre à écrire à son sujet . On n’a fait ici qu’effleurer le sujet.

Une anecdote pour finir. Quelques semaines avant son fatal accident cérébral je le revois avec son grand feutre bleu clair, gagner l’Opéra de Marseille, où il allait incarner le soir Eléazar, après avoir chanté la veille La Favorite sur la même scène. Rencontrant la jeune cantatrice Renée Doria qui venait, en matinée, de triompher dans La Traviata, il lui déclara, avec sa pointe d’accent occitan : « Mademoiselle, je vais demander de chanter Rigoletto avec vous ».

Il l’eût fait, toujours en perfection et avec éclat. Pourquoi pas le dimanche après-midi, en enchaînant avec Sigurd en soirée? Pour lui une prouesse banale, depuis près d’un demi-siècle.

VILLABELLA
Par Guy Dumazert

Miguel Villabella naît à Bilbao le 20 décembre 1892; il passe toute sa jeunesse à l’écoute de son père, Eulogio Villabella, baryton célèbre en Espagne sur les scènes de zarzuelas. En 1916 il fait la connaissance du baryton Lucien Fugère, qui l’invite à Paris et lui prodigue quelques leçons.  A la fin de la guerre il termine ses études à Paris avec Jacques Isnardon, et travaille à fond la mise en scène, affinant ainsi ses dons innés pour la scène.

Il débute à Poitiers en 1918, dans La Tosca (Cavaradossi), puis à l’Opéra-Comique, le 1er août 1920, toujours avec La Tosca, mais dans le petit rôle de Spoletta. Il doit affronter les ténors en place: Fernand Francell, Louis Cazette, Emile de Creus. Il va rapidement triompher dans tous les rôles de son emploi : Gérald de Lakmé, Le Postillon de Longjumeau, Almaviva, Daniel dans le Chalet, et surtout Georges Brown dans La Dame Blanche dont il assure en 1926, avec Germaine Féraldy, les galas du centenaire.

Pendant dix ans, il chante l’ouvrage partout, au Trocadéro, à la Gaîté-Lyrique, et dans toute la province française; à la Porte-Saint-Martin en 1932, 1934 et 1935, au cours de soirées organisées par Maurice Lehmann. Sans compter les émissions de la radio (à partir de 1928). Son succès et la facilité de son aigu et même ses pianos sensationnels le conduisent à l’Opéra.  Il y chante: Faust, Roméo,Rigoletto, Traviata, Le Barbier de Séville.

Des créations: Persée et Andromède (Ibert, 1929), Virginie (Bruneau,1931) et l’Illustre Fregona (Raoul Laparra, 1934); en mai 33, Il participe à la reprise de Don Juan (Ottavio), sous la direction de Bruno Walter, avec Pernet, Cabanel, Germaine Lubin, Gabrielle Ritter-Ciampi et Solange Delmas, et à celle du Castor et Pollux de Rameau, en 1935.Il enregistre des airs de Lulli et de Gluck.

A Bruxelles, il joue en 1933 quelques Manons. A Monte-Carlo il s’est produit dès 1930 : Une nuit à Venise (J. Strauss), Le Domino Noir d’Auber (Horace), La Fille Madame Angot de Lecoq (Ange Pitou), etc. Il est affiché au Mai Musical Florentin en 1935 dans Castor et Pollux. Après la guerre, Villabella s’adonne surtout à l’enseignement. Il décède à Paris le 28 juin1954, à la suite d’une banale opération chirurgicale. Le nom de cet espagnol, qui heureusement nous a laissé de très nombreux disques, reste indéfectiblement inscrit dans le florilége du beau chant français.

On peut se procurer les CD de ces artistes chez
MALIBRAN-MUSIC

www.malibran.com