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Luisa Miller, de Verdi, à l’Opéra Bastille

avril 7th, 2008 par Marcel Azencot


Plusieurs semaines après la représentation du 14 Février 2008 à l’Opera Bastille, et pour ne pas réagir à chaud, on fait le bilan de la soirée.

Qu’en reste-t-il ?

Au plan de la mise en scène, un double parti pris.

D’une part, un paysage tyrolien, avec montagnes alpines au lointain et au premier plan, prairies verdoyantes et petite chapelle de montagnes, le tout encadré dans une présentation semi circulaire type carte postale d’amoureux des années 40/50. On n’attend plus que des paysans avec chapeaux verts à plume et des vaches en train de paître (comme disait un mien professeur d’histoire, un rien vachard et provocateur, « Messieurs résumons, le Tyrol, comme la Suisse, ce sont des montagnes et de la verdure, avec des vaches dessus »! ).

Devant un tel paysage, on pense par opposition à Lohengrin, vu à l’Opera Bastille, avec Ben Heppner, Waltraud Meier, Jean Philippe Lafont, Mireille Delunsch, Jan Hendrik Rootering et Evgeny Nikitine, le 8 juin 2007, Lohengrin et son mur de béton gris marron, ses costumes gris marron, ses chapeaux gris marron et son univers à la soviétique (époque gris marron, avec sur scène, dans les rôles principaux, Brejnev, Kossyguine – l’Homme qui rit, aurait dit Victor Hugo – et Podgorny, côté costumes s’entend, parce que vocalement ce fut une bien belle soirée); on pense encore à Otello, à l’Opera Bastille avec Vladimir Galouzine, Cristina Gallardo-Domas et Jean Philippe Lafont en Iago, et son décor d’échaffaudage (il manquait seulement le panneau de chantier « port du casque obligatoire ») surplombant une table de bureau style 18 ème siècle et un superbe Iago vocal mais paré d’épaulettes dorées de général austro-hongrois (capitaine de la Sérénissime ?)

Alors, avec ces images en tête, on se dit que ce décor de Luisa Miller a été tiré de la Bibilothèque rose (« de Heidi », a dit François Lafon, dans Le Monde de la Musique d’Avril 2008…) et que la véritable provocation c’est ce décor pour théâtre de station thermale.

Trop kitsch pour ne pas être volontaire, avec l’idée que le vert et la montagne, c’est la pureté de l’amour dans un monde de pâquerettes et de paysans endimanchés qui chantent « l’amour, toujours « .

Le Paradis.

Et puis, vient l’Enfer.

La Cité du pouvoir, et là tout change, des colonnes noires dépouillées, le Comte Walter habillé de noir et Wurm, le Iago de l’oeuvre (Shakespeare en moins), costume noir, bottes noires, haut de forme noir. Tout a changé, on est passé du kitsch au décor minimaliste et à l’opposition à gros traits. On a compris qu’on changeait de monde en changeant de décor et que ça allait mal se passer. On a aussi compris que le kitsch était volontaire et qu’on savait faire autre chose.

Un clin d’oeil en somme, mais un peu appuyé, là où on aurait souhaité voir et entendre un peu d’ambigüité, d’hésitation, de scrupules des hommes et de la nature, au lieu de décors aussi tranchés que les caractères des personnages.

Justement, parlons maintenant des personnages et d’abord des rôles de soutien (« supporting actors » , comme on dit, avec respect, dans le cinéma américain).

Il faut avoir beaucoup de considération pour ces personnages indispensables à la vérité du propos, à sa profondeur et à sa perspective. Je crois à l’histoire parce qu’ils sont là, au théâtre au cinéma et à l’opéra, tantôt témoins, tantôt vrais protagonistes, car dans la dramaturgie les personnages principaux sont en général, les victimes et les marionnettes expiatoires des premiers.

Si on n’y croit pas, le spectacle est mort: que serait Otello sans Iago ?

Mais dans Luisa, Wurm, méchant de service, apparait ambitieux et sans profondeur, second couteau et exécuteur des basses oeuvres sans épaisseur humaine, bonne ou mauvaise (surtout comparé à Iago, mauvais parce que predestiné à la damnation – « Credo in un Dio crudel » -, effrayant et émouvant dans son rire de damné, de condamné, pied de nez à la mort, « La morte… e nulla ! Ah! Ah! Ah! Ah ! »).

Avec Wurm, difficile de défendre cet opéra et la faible peinture de l’homme qui tire les ficelles, ambitieux mais sans ambition et sans état d’âme parce que sans âme.

Face à Iago, philosophe torturé et résigné, il ne fait pas le poids métaphysique.

Et puisque le livret ne lui donne d’autre dimension que la noirceur inexpliquée, on espérait au moins que le chant, au delà de la beauté vocale (belle voix de basse) exprimerait de l’épaisseur et de l’ambigüité et esquisserait au moins l’hésitation d’un reste de conscience, avant le passage à l’acte. Mais non, le méchant remplit sa mission, un point c’est tout !

Le Comte Walter, lui, est le pouvoir et le vouloir, le calcul de l’alliance politique par mariage, une sorte de Mazarin teuton, père et potentat qui abuse de son droit en un temps de puissance paternelle, et qui n’a ni l’excuse ni le panache de crier « Je suis une force qui va ! »

Là encore, le livret n’aide pas, la tragédie est absente au profit d’un drame de chalet de montagne : il ordonne à son fils d’épouser Federica, Duchesse d’Ostheim, sa nièce et ancienne compagne de jeux de Rodolfo, elle-même simplement jalouse de Luisa sans qu’on soit certain qu’elle aime Rodolfo, jalousie presque sans amour !

La tyrannie de ce père, c’est du Molière qui finit mal et verse dans l’autorité du père, version Code civil.

Quant à Miller, vieux soldat retraité, la dignité pauvre faite homme, il est un peu moins mal traité par le texte et l’histoire: à part nos deux amoureux, il est, en effet, le seul à aimer parce qu’il est père et ne fait pas de politique et qu’il tremble pour sa fille qui le lui rend bien, piété filiale versus amour paternel.

Arrive Rodolfo, Manuel Vargas, souriant et timide (on aurait juré qu’il s’excusait..).

J’ai attendu « Oh fe-de negar potessi agl’ occhi miei ! » et l’aria est venu, bonne interprétation, voix sonnant clair, applaudissements, mais je ne cessais pas d’entendre Domingo et surtout, surtout, Carlo Bergonzi: « Tutto e menzogna, tradimento, inganno ! » qui se lamente dans ma mémoire – et dans mon Ipod – de la trahison supposée de la belle Anna Moffo et de la jalousie de Shirley Verrett, duchesse pas compréhensive du tout, mais quelle équipe légendaire que ces trois là !

Enfin, Luisa, rôle titre, c’était Ana Maria Martinez, fille aimante et sage, qui ne se révolte pas même en se sachant empoisonnée par celui qu’elle aime: tel est le rôle, tel fut le chant !
Alors, un peu de déception, interprétations sages et soirée un peu mélancolique (c’était un dimanche, il est vrai et je hais les dimanches). Je me suis senti trahi, moi aussi.
« Ah! Mi tradia ! Mi tradia ! »

Marcel AZENCOT

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