Rechercher





Ecouter Mario Lanza

Leoncavallo : VESTI LA GIUBBA
Dicitencello Vuie
Verdi: OTELLO "Dio mi potevi"
Na sera e maggio
Serenade de Romberg
Leoncavallo: LA BOHEME
Giordano: ANDREA CHENIER














Art Lyrique et Langue Française

mars 8th, 2009 par Marcel Azencot


Le FORUM ou TRIBUNE est un lieu d’échanges sur l’art lyrique et la musique.

Les articles et opinions qui y sont publiés n’engagent que leurs auteurs et nullement l’Association.

Avertissement: Rendons à César…

Le nom de l’auteur figure avant et après le texte de chaque Tribune, et ne doit pas être confondu avec celui du président de l’Association, qui apparait automatiquement sur toutes les rubriques, ès qualités d’éditeur du site.

******

Plaidoyer pour le renouveau de notre patrimoine culturel lyrique

Par Jean KRIFF, artiste lyrique, professeur de chant

La France qui s’enorgueillit d’avoir présidé à la naissance des Droits de l’Homme doit convenir que ces droits ne sont pas création ab nihilo, qu’ils trouvent leur origine à l’intérieur même de la culture nationale et que, portés par elle, ils véhiculent en même temps les découvertes scientifiques et les maîtrises techniques de la nation.

Questions :
La France a-t-elle le droit de considérer sa langue et sa culture comme une part importante de la culture universelle et de se donner les moyens de la défendre afin de faire mieux connaître le pays dont elle est issue?

La France a-t-elle le droit de considérer son patrimoine théâtral et musical, parce que porteur de valeurs multiples, comme étant aussi important à magnifier que celui, immobile, se trouvant à l’intérieur des musées?

Les autorités culturelles du pays ont-elles conscience que sur le territoire, la vedette mondiale, est intrinsèquement la France elle-même, héritière d’une culture séculaire, sans aucun besoin d’importer des paillettes du monde entier pour se faire apprécier mais qu’au contraire, elle doit montrer, à son peuple d’abord et aux touristes ensuite les multiples facettes de ce qui a fait sa gloire et sa richesse ?

Les autorités culturelles ont-elles conscience que la création d’aujourd’hui est en panne, que les transitions nécessaires ayant dû assurer le passage du flambeau entre les générations d’artistes et donc du public n’ont pas été faites (du passé ne fallait-il pas faire table rase) ce qui amène aujourd’hui la jeunesse à se frayer des voies, piochées au hasard et porteuses d’idéologies qui ne sont pas les nôtres et même pas les leurs?

Les autorités culturelles ont-elles conscience que les artistes interprètes (artistes chorégraphiques, lyriques et musiciens) sont des sportifs de haut niveau ayant d’abord, avant toute autre considération, les mêmes contraintes physiques que ceux-ci avec la différence qu’ici les difficultés sont les mêmes à tous les niveaux d’exécution ?

Les autorités de tutelle ont-elles conscience qu’il existait naguère en France des statuts professionnels qui permettaient la promotion (ce qui est toujours valorisant pour un artiste) à l’intérieur des théâtres ; deux exemples : le statut de danseuse étoile existait partout ; il était possible et même souhaitable de passer du statut d’artiste des chœurs à celui d’artiste soliste etc. car ainsi s’implantait un « esprit de maison » valorisant dans la population des lieux d’action culturelle.

Enfin, est-il possible, pour répondre à toutes ces questions de voir exister simultanément deux sortes d’interprètes, soit de droit public soit de droit privé ?

Les premiers, ceux qui sortent des conservatoires, écoles payées par le contribuable ayant une dette morale envers le pays devraient donc être employés dans des directions définies par leurs autorités de tutelle pendant un nombre d’années au moins égal à celles qu’ils ont passé à étudier. Ils pourraient être rejoints par d’autres, mais la priorité du travail reviendrait à ceux qui seraient issus des écoles nationales. Il y aurait établissement d’un véritable contrat devant mener à l’utilisation systématique des interprètes par l’éducation nationale dont le but devrait être d’abord un enracinement dans la culture nationale préparant à l’ouverture vers les autres cultures.

Les seconds pourraient prétendre à la « la liberté de mouvement » mais alors bénéficier de garanties beaucoup plus aléatoires. Ceci pourrait être également valable pour les créateurs, compositeurs, écrivains (textes et livrets), peintres (décors) qui à l’instar des chercheurs ne devraient pas se contenter de chercher mais devraient trouver aussi la valorisation pécuniaire de leur art.

Il est à noter que l’obtention d’une carte professionnelle existait avant la guerre et que ce sont les dévoiements de l’Occupation Pétain qui ont rendu cette nécessité insupportable et mené à sa suppression.

Introduction
Il existe en France nombre de théâtres, maisons de la culture, associations etc. vivant de subventions qui viennent par glissement plus ou moins directement de l’Etat mais l’absence d’entente dans leur gestion tant artistique que financière mène à une déqualification des spectacles et au désintérêt ; partant, le patrimoine se meurt, la création n’est pas à l’ordre du jour, les artistes sont au chômage mais par contre les « autorités » divergentes se nourrissent sur ce terreau et développent depuis des années tout un argumentaire afin de sauver ce qui leur semble essentiel : leur propre emploi.

La formation des artistes : Il y a des conservatoires régionaux et des conservatoires municipaux. Les premiers semblent les mieux armés pour former les artistes mais pas toujours. En ce qui concerne, les seconds, la nomination de professeurs se fait la plupart du temps par relations…pas souvent de nature professionnelle et les interprètes issus de ces écoles sont bien souvent inutilisables.

L’expression artistique dramatique, symphonique, lyrique et chorégraphique : La responsabilité régionale et nationale ne devrait plus être laissée aux appréciations idéologiques, de celles qui font se chevaucher gaillardement pseudo-progressisme et idéaux budgétaires, élevées dans une ignorance systémique et systématique du choix des spectateurs tant par leur nombre que par les impôts qui en proviennent.

Nous sommes donc devant la situation suivante. Professionnellement les conservatoires même supérieurs, gérés comme ils le sont, ne servent pas à la collectivité non plus qu’aux artistes, ni pour la défense des oeuvres du passé qui ont fait notre gloire, ni pour le bien d’une création que l’on souhaiterait de qualité, situation conduisant les autorités de tutelle à en quelque sorte utiliser des armées étrangères pour défendre le territoire culturel national.

Pour une Coordination des activités culturelles et artistiques :

A. Des éléments de contrôle : La volonté d’une politique culturelle à long terme doit s’exprimer par des changements drastiques dans la conception de l’organisation des activités culturelles. Nécessités :

I° Une convention collective nationale du spectacle qui, sous forme législative groupe toutes les corporations qui le composent : art dramatique, lyrique etc. et leur attribue une reconnaissance professionnelle.

II° Une « responsabilité » financière régionale ayant à sa tête un responsable du type préfet nommé pour plusieurs années, chargée de recevoir et de planifier pour chaque exercice les sommes dévolues à la culture, en rapport avec les entreprises régionales susceptibles d’aider la création, y compris dans les théâtres municipaux, en échange de compensations fiscales.

III° Une commission ou un comité artistique régional chargé, en coordination avec certaines structures : éducation nationale, prisons, hôpitaux, lieux de culte de décentraliser tout ou partie de l’activité présentée à partir d’une capitale régionale totalement indépendante de Paris.

A la tête de ce comité, pourrait être prévu un personnage régional connu afin de faciliter les rapports à l’intérieur de la région tel que le fut jadis le président du conseil général de la Seine.
Chaque année, une réunion des représentants professionnels régionaux, de l’enseignement, des finances et d’un public choisi en rapport avec les associations de parents d’élèves définiraient la saison culturelle en tenant compte des possibilités locales, lieux et finances. (Il y a 36000 communes en France)

B. Les éléments actifs :
Les commissions ou comités seraient formés de représentants des principales corporations (lyrique, dramatique, chorégraphique symphonique, arts graphiques, technique) dont les membres seraient renouvelables par tiers tous les deux ans.

Naturellement, ces responsabilités ne pourraient ni ne devraient se cumuler avec les places de professeurs qui pourraient être tentés de favoriser leurs propres élèves mais leur avis consultatif devrait être sollicité.

C. Les éléments consultatifs :
1° Les publics : ils pourraient exprimer leurs désirs par le biais d’un organisme officiel tel que celui que nous imaginons. Les rapports étroits avec l’Education Nationale devraient, à partir de sensibilisations diverses favoriser le retour à la fréquentation des oeuvres tant théâtrales que musicales, humus d’une culture commune.

Il devrait être possible, tenant compte des études et du type de contrats que les artistes auraient accepté de signer avec l’Etat (ou la région pour participer à cette activité/région) de les utiliser au sein même du corps professoral à tous les niveaux, du collège à l’Université et comme la carrière professionnelle d’un interprète peut être très mouvante, il serait tout à fait possible d’y recevoir des vedettes (par essence plus attractives).
La volonté d’une politique culturelle encadrée pourrait s’accompagner de diffusions par internet dans toutes les autres régions (resterait à imaginer de quelle manière les participants à ces spectacles pourraient être rémunérés) et à partir d’un choix d’excellence pourraient faire l’objet de contrats avec la télévision.

2° Les comités d’entreprises ou de culture locale :
La vie culturelle ne pourrait-elle pas être un ciment entre les entreprises et les autorités de tutelle ?
De la même manière que le président de la République souhaite la gratuité des musées il devrait être possible, pour les personnels dont les entreprises participent aux diverses réalisations culturelles annuelles de bénéficier de « séries » d’activités gratuites, particulièrement en période de fêtes et de congé annuel via les festivals. Cela serait le ferment d’une possibilité d’échanges de régions à régions garantissant là encore un travail permanent pour les différentes composantes du spectacle tout en prenant en compte la valorisation du passé.

Rendre les spectateurs réceptifs : distribution de journaux gratuits (jeux-concours ?) , utilisation de la télévision et d’internet pour toucher le plus grand nombre de gens, en particulier le troisième âge et visite de « prospecteurs » auprès des entreprises afin de leur offrir un deal : financement contre aides à l’implantation et incitations fiscales.

3° Les maisons de culture, les maisons de jeunes et leurs délégués culturels pourraient être placés sous contrat régional leur garantissant un quota d’autonomie avec priorité pour les activités déterminées en commun en rapport avec les fonds qui leur seraient distribués par la région.

II. SOUHAITS :

Des bureaux : Un bureau représentatif des régions pourrait exister à Paris. Il serait chargé de centraliser les demandes nationales tant de sélection d’œuvres à diffuser (patrimoine et création) que de recrutement d’artistes, tenant compte des différentes demandes concernant les artistes étrangers…une sorte centre informatisé.
Un bureau Régional qui pourrait être composé de représentants des commissions siégeant annuellement (commission lyrique, chorégraphique, dramatique et technique).

Une chorale régionale : on peut imaginer la création d’une chorale régionale dans laquelle les différents directeurs de théâtres régionaux pourraient puiser afin de monter les ouvrages choisis. Ce chœur, à effectifs constants minimum (60 personnes donc 15 par pupitre) serait chargé d’étudier d’une année sur l’autre les ouvrages prévus, assurant ainsi la qualité et la permanence du travail. En cas de besoins plus importants cet ensemble choral pourrait appeler des artistes de chœurs n’ayant pas signé de contrat régional.

En parallèle et suivant leurs libertés les artistes employés pourraient et devraient être employés par l’éducation nationale pour sensibiliser les écoles, collèges et universités à la pratique du chant à travers les oeuvres du patrimoine et de création. Là encore les élèves et a fortiori les titulaires de prix issus des conservatoires devraient être employés systématiquement. On pourrait étendre cette interpénétration par l’emploi des artistes de cirque mis systématiquement en contact avec les professeurs de gymnastique de l’Education Nationale ainsi que les comédiens utilisés dans le cadre des cours de français ou de toute autre langue vivante.

Un ballet régional : De la même manière, un ballet régional théâtral (avec promotions) pourrait être institué. Il pourrait inclure des professeurs et chorégraphes issus de l’Ecole de l’Opéra de Paris atteints par limite d’âge mais aussi les artistes issus ou étudiants des conservatoires régionaux devant être utilisés là aussi systématiquement comme figuration soit dans le cinéma, soit dans les festivals, soit dans les grands théâtres. Il faut rappeler que, comme pour le sportifs de haut niveau, les artistes de danse ne peuvent s’améliorer que par un travail physique constant. Le mode de vie actuel ne le leur permet pas.

L’invitation d’artistes internationaux ne devrait être pratiquée qu’en fonction de la vie culturelle nationale et non le contraire.

Un orchestre régional : Il semblerait que ce soit dans ce domaine que davantage de choses se soient accomplies ; encore pourrait-on se demander comment il se fait aujourd’hui, qu’il n’y ait pas de directeur de la musique français à l’Opéra de Paris ni de chef d’orchestre issu des conservatoires nationaux qui y dirige systématiquement. L’invitation permanente faite à des chefs étrangers coûte évidemment plus cher que de salarier du personnel sédentaire et fait de plus se poser la question de savoir à quoi servent toutes ces classes et tous ces prix s’il n’y a pas une politique culturelle qui ensuite leur donne un emploi.

Question : Est-ce que l’enseignement est suffisamment performant, notamment dans les classes de solfège supérieur pour préparer les musiciens de la meilleure façon, compte tenu de l’immense marché mondial et de la qualité des artistes étrangers se présentant en France ?

Cette préparation insuffisante ne peut-elle pas être s’apparenter à l’illettrisme ?

Nous n’avons plus les moyens d’une politique dévoreuse de budgets – mode qui fut prise par Rolf Libermann en 1973 grâce à l’obtention d’un carnet de chèques sans fond, ouvert par la direction de la musique, transformant une institution nationale en une plaque tournante à paillettes n’ayant laissé que des souvenirs plutôt que les assises d’une école.

L’opéra est devenu un garage quoique depuis Hugues Gall les choses se soient un peu modifiées. Il serait temps de mettre les priorités là où elles doivent l’être. Les lois, les institutions publiques sont faites pour que les humains vivent mieux ensemble et non destinées à alimenter les littératures de salon. En ce qui concerne les plus petits théâtres, on pourrait souhaiter que soient mis au travail des professionnels de la musique formés dans les conservatoires nationaux ; ils pourraient alors réorchestrer les oeuvres trop lourdes au plan des effectifs et des salles.

De la même manière, les textes trop désuets pourraient être retravaillés par des auteurs d’aujourd’hui afin que par priorité un travail sur la langue soit davantage pratiqué et utilisé.
Une troupe régionale de comédiens
Un atelier de costumes régional :
Les costumes coûtent trop chers et sont trop souvent renouvelés au gré de chaque responsable bien souvent pour les mêmes ouvrages.
Si les costumes théâtraux sont confiés à un atelier régional décentralisé, les travaux demandés devront se faire en concertation. Ces costumes devront être réutilisés et les mise en scène s’inspirer des existants.
Ces costumes pourraient être réalisés avec l’aide de prisonniers de droit commun dans le cadre d’une réhabilitation par la beauté et la culture.
Un atelier de décors régional décentralisé pourrait ouvrir à l’étude de la peinture. Il serait d’ailleurs temps de réhabiliter le trompe-l’œil. Beaucoup de jeunes peintres pourraient y être intéressés. Il est beaucoup plus aisé d’utiliser les toiles peintes que des décors en « dur ». Ils nécessitent beaucoup moins de temps à installer. Ils sont faciles à transporter et demandent moins d’éclairage.

L’idée générale est donc de privilégier les êtres vivants, artistes et publics, à toute forme d’élitisme, celui-ci ayant fait depuis des années la preuve de son inutilité, ayant plutôt participé à la déculturation du plus grand nombre dû à une distanciation (celle de Brecht, peut-être, sciemment mise en place par les intellectuels du Sérail.

Mais ils ne sont pas seuls à payer. Paient-ils, d’ailleurs tous?
Non. Ce sont tous les contribuables qui paient et ce sont les artistes qui sont au chômage.
Il ne faudrait donc pas de responsabiliser les chaînes de télévision en les incitant à ne montrer ce qui se fait de mieux dans toutes les régions françaises, que ce soit au plan dramatique, lyrique ou chorégraphique. Ceci serait une aide promotionnelle pour l’ensemble du pays et pourquoi pas à l’étranger ?

Voici enfin d’autres questions embarrassantes. Comment se fait-il que les grands compositeurs tels que Michel Legrand, Georges Delerue, Michel Magne père, etc… aient été obligés de partir aux Etats-Unis tandis que l’argent public était déversé à flots sur la musique que l’on peut qualifier « de recherche » et tandis que l’on ne faisait plus aucune création dans les grands théâtres français.

Voila un ensemble de questions et un début de réponses que l’on pourrait méditer.

Jean KRIFF

Catégorie Tribune | Pas de commentaires »

Leave a Comment

Veuillez noter/Please note:La modération est activée/Comment moderation is enabled and may delay your comment. There is no need to resubmit your comment.